La décision des autorités libanaises de désarmer le Hezbollah d’ici la fin de l’année bouleverse l’équilibre stratégique au Moyen-Orient. Pour l’Iran, principal soutien du mouvement chiite depuis quatre décennies, c’est une menace directe contre son réseau d’alliances régionales.
Un choix historique et contesté
Depuis la fin de la guerre civile libanaise (1975-1990), le Hezbollah est resté la seule formation armée du pays, justifiant son arsenal par la « résistance » à l’occupation israélienne du Sud-Liban, levée en 2000. Fort du soutien militaire, financier et politique de Téhéran, il est devenu un acteur incontournable, tant sur la scène libanaise que régionale.
L’annonce du 5 août marque donc un tournant : le gouvernement promet un désarmement complet, malgré le refus catégorique du Hezbollah. Selon Ahmad Dastmalchian, ex-ambassadeur iranien au Liban, cette décision reflète « l’influence d’acteurs transrégionaux », notamment les États-Unis et la France, et pourrait briser les équilibres internes fragiles du pays, au risque de « plonger le Liban dans le chaos ».
Une lecture géopolitique plus large
À Téhéran, les médias conservateurs comme Kayhan décrivent cette initiative comme un maillon d’un plan coordonné par Washington, Riyad et Tel-Aviv pour remodeler le Moyen-Orient. L’objectif : démanteler l’« axe de la résistance » l’ensemble des groupes armés pro-iraniens opérant au Liban, en Syrie, en Irak, à Gaza et au Yémen en privant ces formations de leur capacité militaire.
Pour Kayhan, sans ses armes, le Hezbollah perdrait non seulement sa supériorité militaire, mais aussi son poids politique.
L’ombre de Trump et l’opportunité israélienne
Le contexte international renforce cette lecture. Depuis la mi-juin, Israël a intensifié ses frappes contre l’Iran, visant des sites militaires et nucléaires, et éliminant hauts gradés et scientifiques. Le site modéré Entekhab souligne que l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche offre à Tel-Aviv « la meilleure opportunité pour redéfinir l’ordre régional », en commençant par affaiblir l’Iran, « centre de gravité » de l’axe pro-iranien.
Les risques pour le Liban
Plus modéré, le quotidien Ettelaat avertit d’un possible scénario catastrophe : un désarmement forcé pourrait rallumer la guerre civile au Liban et embraser la région. Une analyse partagée par Iran International, média d’opposition basé à Londres, qui estime que Téhéran ne restera pas passif et pourrait attiser les divisions internes pour bloquer le processus.
Un bras de fer à venir
Pour l’Iran, perdre le Hezbollah serait perdre son principal levier contre Israël et un pilier de son influence régionale. Pour ses adversaires, c’est au contraire l’occasion d’affaiblir durablement la République islamique. Entre pressions internationales, tensions internes et risques de déstabilisation, le Liban s’engage dans une épreuve politique et sécuritaire dont l’issue reste incertaine.
Paul Lamier Grandes Lignes