À N’Djamena, le Parlement tchadien a adopté, jeudi 3 octobre, une révision constitutionnelle qui prolonge la durée du mandat présidentiel à sept ans renouvelables sans limite, suscitant une vive indignation dans les rangs de l’opposition.
Cette réforme consolide encore un pouvoir déjà concentré entre les mains de Mahamat Idriss Déby Itno, arrivé au pouvoir en 2021 après la mort de son père, Idriss Déby, tué au front après trois décennies de règne.
Une réforme adoptée sans opposition
Sur les 257 parlementaires, 236 ont voté pour et aucun contre, lors d’une session dominée par le Mouvement patriotique du salut (MPS), le parti présidentiel. Le vote, initialement prévu le 13 octobre, a été avancé, prenant de court l’opposition.
Les élus du Rassemblement national des démocrates tchadiens Le Réveil (RNDT) de l’ancien Premier ministre Albert Pahimi Padacké ont quitté l’hémicycle en signe de protestation.
« Les résolutions d’un parti sont devenues des lois de la République. Il n’y a plus de différence entre le MPS et l’État », a réagi Max Kemkoye, porte-parole du Groupe de concertation des acteurs politiques (GCAP), dénonçant « une dérive autoritaire ».
Un texte taillé sur mesure pour le chef de l’État
Outre la durée illimitée du mandat présidentiel, la réforme introduit la possibilité de créer un poste de Vice-premier ministre, rallonge le mandat des députés de 5 à 6 ans et restaure l’immunité ministérielle.
Le texte autorise désormais le président à appartenir à un parti politique, levant une ancienne incompatibilité, une disposition taillée pour Mahamat Déby, devenu chef du MPS en janvier 2025.
Même si ces changements ne s’appliqueront qu’après la prochaine présidentielle, l’opposition estime que la réforme offre à Mahamat Déby « deux ans de pouvoir supplémentaires » sans passer par les urnes.
Max Kemkoye parle d’« un glissement autoritaire » qui risque de « faire du Tchad un royaume républicain ».
Un climat politique verrouillé
Cette révision s’ajoute à un contexte déjà marqué par la répression de l’opposition. Le parti Les Transformateurs de Succès Masra, principal opposant, a été affaibli par l’arrestation et la condamnation de son leader à 20 ans de prison pour « provocation de massacre » après les violences de Mandakao en mai.
L’opposition dénonce depuis des mois une démocratie « ni libre, ni crédible », minée par des scrutins boycottés et des institutions inféodées au pouvoir.
Vers un pouvoir sans alternance
En consacrant la présidence à vie comme une option constitutionnelle, Mahamat Déby Itno s’inscrit dans la continuité d’un système politique forgé par son père, où la stabilité prime sur l’alternance.
Mais cette réforme risque d’attiser la colère d’une population éprouvée par la pauvreté, les coupures d’électricité et la cherté de la vie autant de facteurs qui nourrissent déjà la contestation dans les grandes villes du pays.
Paul Lamier Grandes Lignes












