En 2023/2024, l’Afrique du Sud a produit 13,4 millions de tonnes de maïs sur 2,98 millions d’hectares. Le Nigeria, lui, n’en a récolté que 11 millions sur une surface pourtant presque deux fois plus grande. Ce paradoxe illustre une réalité structurelle : produire beaucoup ne garantit pas la productivité, et l’écart entre les deux premières puissances céréalières africaines révèle des fractures profondes dans les modèles agricoles du continent.
Des rendements divisés par deux
Le rendement moyen d’un hectare de maïs au Nigeria plafonne à 2 tonnes. En Afrique du Sud, ce chiffre dépasse 5,3 tonnes à l’hectare. Cette différence n’est pas une coïncidence, mais le fruit d’une stratégie d’optimisation fondée sur la technologie et la génétique végétale. Depuis 1997, l’Afrique du Sud autorise et diffuse largement les semences transgéniques. Résultat : plus de 80 % des surfaces de maïs y sont aujourd’hui couvertes par des variétés génétiquement modifiées, plus résistantes aux nuisibles et à la sécheresse.
Au Nigeria, seules 10 % des exploitations utilisent des semences hybrides. Le reste repose sur des variétés peu productives, souvent vulnérables aux aléas climatiques ou biologiques. En janvier 2024, le pays a approuvé l’usage du maïs transgénique, mais les effets ne seront visibles qu’à moyen terme. L’Afrique du Sud a mis dix ans pour doubler son rendement après sa propre transition.
Une agriculture duale face à un système fragmenté
Derrière l’écart de performance se cache une autre divergence : la structure des exploitations. En Afrique du Sud, de grandes fermes commerciales capitalisées dominent la filière. Elles bénéficient d’un accès fluide au crédit, d’un usage intensif de la mécanisation, et de conditions plus favorables à l’investissement.
À l’inverse, la culture du maïs au Nigeria repose largement sur de petits exploitants, peu connectés aux banques. Selon PwC, moins de 5 % du portefeuille bancaire nigérian est alloué au secteur agricole. Les initiatives publiques comme le programme Anchor Borrowers de la Banque centrale ou le NIRSAL (mécanisme de partage des risques) ont tenté de combler ce vide, mais restent dépendantes de l’État et peinent à créer un écosystème durable.
Intrants agricoles : un gouffre d’intensité
La comparaison entre les deux pays est encore plus flagrante sur l’usage d’intrants agricoles. En 2022, selon la Banque mondiale, le Nigeria a utilisé 7,3 kg d’engrais par hectare, contre 91,5 kg en Afrique du Sud soit douze fois plus. Même constat du côté des produits phytosanitaires, quasi absents des pratiques locales nigérianes.
La mécanisation reste marginale au Nigeria, avec seulement 6 tracteurs pour 10 000 hectares. À l’inverse, l’Afrique du Sud aligne 43 tracteurs par km² de terre cultivable, un ratio comparable à celui de pays européens intermédiaires. Cet écart logistique pèse lourd sur les rendements, la gestion des sols et la maîtrise des cycles de culture.
Un écart structurel, pas conjoncturel
Le différentiel de productivité entre les deux pays ne tient pas à des phénomènes exceptionnels, mais à des logiques structurelles et systémiques : adoption lente des technologies agricoles, fragmentation des acteurs, faiblesse du financement rural, et déficit d’infrastructures. Si le Nigeria souhaite atteindre le potentiel de ses superficies agricoles, il devra inverser plusieurs tendances lourdes.
À surface égale, l’Afrique du Sud produit deux fois plus de maïs que le Nigeria. Un rappel qu’en agriculture, la quantité de terres cultivées ne suffit pas sans capitalisation, recherche, financement et intensification maîtrisée. Alors que les projections démographiques africaines annoncent une explosion de la demande alimentaire, combler cet écart de productivité devient un enjeu de souveraineté autant qu’un levier de croissance.