Au Mali, la junte militaire au pouvoir depuis 2020 vient de franchir un nouveau cap. Par un décret signé le 7 mai, le général Assimi Goïta a ordonné la suspension « jusqu’à nouvel ordre » des partis et associations politiques, invoquant une « raison d’ordre public ». Une décision qui inquiète une grande partie de la classe politique, réduisant encore davantage l’espace de liberté dans le pays.
Un climat de pression croissante sur l’opposition
Cette suspension survient dans un contexte de répression croissante. Quelques jours plus tôt, le 30 avril, les autorités avaient déjà annulé la loi encadrant les partis politiques, un geste perçu par de nombreux observateurs comme une étape vers leur disparition pure et simple.
Face à cette situation, une coalition de près de cent partis s’est formée, appelant au « retour rapide à l’ordre constitutionnel » et fixant comme date butoir le 31 décembre 2025. Le 3 mai, plusieurs centaines de personnes ont manifesté à Bamako pour défendre la démocratie, malgré une tentative de perturbation par des partisans de la junte, finalement dispersés par les forces de sécurité.
La junte verrouille la scène politique
Cette décision de suspension n’est pas une première. En 2024, les militaires avaient déjà gelé les activités des partis politiques pendant trois mois. Une « concertation nationale » organisée par le régime, largement boycottée par l’opposition, avait alors recommandé la suppression pure et simple des partis. Cette même concertation avait même proposé de proclamer le général Goïta président pour un mandat de cinq ans renouvelable, sans passer par les urnes.
Depuis les coups d’État de 2020 et 2021, les autorités maliennes justifient leur emprise par la nécessité de maintenir la stabilité face aux menaces djihadistes et aux tensions communautaires. Mais pour les opposants, la transition politique est devenue un prétexte pour renforcer l’autorité de la junte.
Une opposition affaiblie mais résistante
Malgré les interdictions et les pressions, les partis politiques tentent de maintenir la mobilisation. Le rassemblement du 3 mai a vu des manifestants scander « Vive la démocratie, à bas la dictature ! » dans les rues de Bamako. Mais la répression rend toute contestation risquée.
La coalition de partis qui exige un calendrier pour la fin de la transition pourrait-elle être dissoute à son tour ? Rien n’est à exclure dans un contexte où toute voix critique semble menacée.
Chronologie : du coup d’État à la répression politique
- 18 août 2020 : Un groupe de militaires dirigé par le colonel Assimi Goïta renverse le président Ibrahim Boubacar Keïta.
- 24 mai 2021 : Assimi Goïta orchestre un second coup d’État, évinçant le président de transition Bah N’Daw.
- 2022-2023 : Les partis politiques sont soumis à des suspensions temporaires, les libertés se restreignent.
- 30 avril 2025 : Abrogation de la loi encadrant les partis politiques, perçue comme une menace pour leur existence.
- 3 mai 2025 : Manifestation à Bamako en faveur d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel.
- 7 mai 2025 : La junte suspend officiellement les partis et associations politiques.
Dans ce climat tendu, le Mali semble de plus en plus s’éloigner de la démocratie. Le général Goïta et ses partisans affirment que la stabilité passe par la consolidation du pouvoir militaire. Mais pour les opposants, c’est la voix du peuple qui est progressivement étouffée.