Depuis la mi-mars, les bombardements américains contre les Houthis au Yémen s’intensifient. Objectif annoncé : sécuriser la mer Rouge. Mais en coulisses, même les stratèges les plus aguerris peinent à y voir une stratégie viable à long terme.
Les Houthis, groupe rebelle chiite qui contrôle une large portion du Yémen depuis 2014, ont imposé leur loi sur plus des deux tiers de la population yéménite. Depuis fin 2023, ils ciblent des navires en mer Rouge, sous couvert de soutien à Gaza. En réalité, leurs attaques servent à asseoir leur autorité interne et à projeter leur influence régionale.
Joe Biden avait entamé une campagne de frappes début 2024, mais à un rythme limité. Depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et la reprise des hostilités à Gaza, la machine de guerre américaine s’emballe : bombardements quotidiens, frappes ciblées sur des infrastructures militaires, et élimination de cadres intermédiaires houthis. Les frappes se multiplient à Saada, fief historique du mouvement.
Mais si l’objectif est de rouvrir les routes commerciales maritimes, le résultat reste incertain. Les compagnies maritimes redoutent désormais autant les missiles houthies que l’imprévisibilité d’un conflit sans stratégie claire.
Car bombarder ne suffit pas. Les Houthis gardent le contrôle du littoral yéménite, et un seul missile peut suffire à dissuader les armateurs. Sans un basculement sur le terrain ou une pression efficace sur l’Iran, qui soutient les rebelles, la mer Rouge restera instable.
La Maison Blanche n’envisage pas de déploiement terrestre, trop risqué, mais pourrait s’appuyer sur des milices locales anti-Houthies. Certaines frappes ciblées semblent déjà leur ouvrir la voie, notamment dans les zones frontalières comme Marib et al-Jawf, là où le pouvoir houthi est plus fragile.
Le spectre d’un engrenage régional reste bien réel. Donald Trump menace Téhéran, tandis que les Saoudiens, échaudés par des années d’impasse militaire, redoutent un nouveau cycle de représailles transfrontalières.
Pour l’heure, l’Amérique bombarde sans renverser la table. Et la question reste entière : peut-on vraiment sécuriser la mer Rouge sans déloger les Houthis du pouvoir au Yémen ?