Lecture 06 min. Publié le 23 octobre 2025
À la prison de la Santé, Nicolas Sarkozy ne purge pas une peine comme les autres. Premier ancien président incarcéré sous la Ve République, il cristallise à lui seul les contradictions d’un système pénal où la justice d’exception semble remplacer l’égalité de traitement.
Entre privilèges inédits, colère du personnel pénitentiaire et désormais menaces de mort, la détention de l’ex-chef de l’État tourne à un véritable scandale d’État.
Des conditions de détention hors norme
Condamné à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs dans l’affaire des financements libyens, Nicolas Sarkozy a intégré mardi la prison de la Santé dans un dispositif taillé sur mesure. Il y est placé à l’isolement total, dans une cellule rénovée de 9 m², sans contact avec les autres détenus un régime habituel pour les personnalités jugées « à risque ». Mais ce qui indigne les professionnels de la pénitentiaire, c’est la présence constante de deux officiers de sécurité armés à proximité de sa cellule. Une première dans l’histoire carcérale française.
Ces deux agents du Service de la protection (SDLP), habituellement chargés de la sécurité des personnalités publiques, ont été autorisés à entrer dans l’enceinte de la prison une mesure jugée illégale par plusieurs syndicats.
« Des policiers armés en prison, c’est du jamais-vu, du grand n’importe quoi ! », s’indigne un cadre pénitentiaire. « À l’isolement, Nicolas Sarkozy ne croisera personne. Sa sécurité est déjà garantie. C’est un privilège, pas une nécessité. »
Une rupture d’égalité qui choque les surveillants
Pour de nombreux agents, cette protection permanente n’a rien à voir avec la sécurité : elle traduit plutôt une volonté politique de ménager l’ancien président. Alors que les conditions de détention sont jugées « indignes » par les observateurs internationaux, voir un ex-chef d’État bénéficier d’un confort inédit est vécu comme une provocation.
Wilfried Fonck, du syndicat Ufap-Unsa Justice, dénonce un « bras d’honneur au personnel pénitentiaire » :
« Ils n’ont rien à faire là, ces policiers. C’est une humiliation pour notre corps de métier. »
Même indignation du côté du syndicat FO-Pénitentiaire, dont un responsable local confie :
« Ni Claude Guéant, ni Patrick Balkany n’ont eu droit à cela. On ne comprend pas pourquoi on nous impose des agents extérieurs, armés, dans un lieu qui doit rester sous autorité du ministère de la Justice. »
Des passe-droits en série
Outre cette surveillance rapprochée, d’autres aménagements font polémique :les visites de Carla Bruni, organisées dès le premier jour par un accès réservé, ou encore la visite annoncée du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, à son ami détenu. Des dérogations perçues comme des faveurs de classe.
« Ce qu’on accorde à Nicolas Sarkozy, aucun autre détenu ne pourrait l’espérer », résume un surveillant de la Santé.
Le Syndicat de la magistrature, lui, dénonce une « atteinte à l’indépendance de la justice » et une pression politique indirecte sur les magistrats chargés d’examiner les recours du détenu.
Un climat tendu, entre indignation et menaces
Comme pour ajouter à ce climat explosif, le parquet de Paris a ouvert une enquête après la diffusion d’une vidéo de menaces de mort proférées par des détenus contre Nicolas Sarkozy.
Trois prisonniers ont été interpellés et placés en garde à vue après la publication d’images tournées dans leur cellule.
Un épisode qui renforce la justification officielle du gouvernement : protéger un ancien président exposé.
Mais pour les surveillants, cette protection exceptionnelle ne fait qu’aggraver le malaise. « Elle crée une fracture entre détenus et renforce l’idée qu’il y a deux catégories de prisonniers : les puissants, et les autres », résume un agent.
Une justice à deux vitesses
Ce traitement d’exception illustre la dérive d’un système carcéral inégalitaire. Alors que des dizaines de milliers de détenus vivent dans la promiscuité, sans soins ni hygiène, un ancien président bénéficie d’un dispositif que même les terroristes n’obtiennent pas.
« On traite Nicolas Sarkozy comme un monarque républicain », confie un syndicaliste. « Pendant que les autres s’entassent à trois dans 9 m², lui vit seul, surveillé, protégé, presque honoré. »
Paul Lamier Grandes Lignes avec (AFP)












