Le désengagement progressif de partenaires occidentaux autour du projet pétrolier EACOP en Ouganda vient de connaître un nouveau tournant. Jeudi 22 mai, le gestionnaire d’actifs allemand Union Investment, actionnaire de longue date de TotalEnergies, a décidé d’exclure le groupe français de ses portefeuilles durables, pointant du doigt des violations présumées des droits humains sur le site du projet Kingfisher, dans le bassin Albertine.
L’annonce intervient après la publication d’un rapport de l’ONG Just Finance International relayant plus de 40 témoignages de riverains. Ces derniers évoquent des expulsions forcées, des violences ou encore des pratiques d’extorsion dans la zone du projet. Union Investment détenait jusqu’à 50 millions d’euros d’actifs TotalEnergies via ses fonds étiquetés durables. Son exposition totale au groupe s’élève néanmoins à 1 milliard de dollars, ce qui confère à cette décision une portée autant financière que symbolique.
TotalEnergies, mise en cause, conteste les accusations, mais n’a pas souhaité s’exprimer davantage pour le moment.
Un projet toujours sous pression
Le développement du pétrole ougandais et de l’oléoduc EACOP (East African Crude Oil Pipeline) a, depuis ses débuts, cristallisé critiques et tensions. Après des mises en garde initiales portant sur l’environnement, les préoccupations se sont déplacées vers les conditions de mise en œuvre. En juillet 2023, l’ONG Human Rights Watch a publié une enquête basée sur les témoignages de plus de 90 familles affectées, dénonçant des indemnisations retardées et jugées insuffisantes. L’organisation a également souligné des problèmes similaires dans les activités de TotalEnergies au Mozambique.
Sur le front du financement, les difficultés s’accumulent. Onze grandes banques internationales, parmi lesquelles BNP Paribas, Société Générale, Barclays ou encore Deutsche Bank, ont déjà décliné toute participation au projet. Cette réticence a ralenti le bouclage financier d’EACOP, forçant les autorités ougandaises et leurs partenaires à explorer d’autres pistes.
L’Ouganda se tourne vers Pékin
Pour Kampala, le développement de Kingfisher reste un chantier structurant. Il doit permettre l’exportation du brut via la Tanzanie, et soutenir la diversification d’une économie très dépendante de l’or et du café. Face au recul des bailleurs occidentaux, les regards se tournent désormais vers la Chine.
L’assureur SINOSURE, acteur central dans la sécurisation des investissements à l’export, est évoqué parmi les soutiens potentiels, aux côtés de banques chinoises comme l’ICBC. L’implication croissante de Pékin dans le projet pourrait permettre de contourner les blocages, au prix d’un réalignement géopolitique plus marqué.