À la veille de l’Assemblée générale des Nations unies, quatre puissances occidentales viennent de franchir un seuil historique : reconnaître officiellement l’État de Palestine. Un geste qui accentue la pression sur Israël et isole encore davantage son gouvernement, tout en révélant les fractures croissantes entre les alliés traditionnels de Tel-Aviv.
Une reconnaissance coordonnée à l’échelle mondiale
Le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et le Portugal ont annoncé, dimanche, leur reconnaissance officielle d’un État palestinien. Cette initiative simultanée, étalée sur trois continents, intervient quelques jours avant le grand rendez-vous diplomatique de l’ONU à New York. La France, qui avait déjà indiqué son intention de franchir ce cap en juillet, s’apprête également à voter en faveur de la Palestine dans les jours à venir.
Ces annonces confèrent à la cause palestinienne un appui diplomatique inédit depuis des années. Elles surviennent alors que la guerre à Gaza, déclenchée après l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, a ravagé l’enclave palestinienne et fait des dizaines de milliers de morts.
Un message clair envoyé à Israël
Le Premier ministre britannique Keir Starmer a justifié sa décision dans un discours vidéo :
« L’espoir d’une solution à deux États s’éteint, mais nous ne pouvons pas laisser cette lumière mourir. »
Dans le même esprit, le Premier ministre canadien Mark Carney a accusé Israël de bloquer méthodiquement toute perspective d’un État palestinien. Anthony Albanese, chef du gouvernement australien, a rappelé que seule une solution à deux États pouvait assurer une paix durable.
De son côté, le ministre portugais des Affaires étrangères a affirmé depuis New York que cette reconnaissance était « la seule voie vers une paix juste et durable ».
Israël contre-attaque
La réaction israélienne a été immédiate et virulente. Benjamin Netanyahu a fustigé un « cadeau au terrorisme » et affirmé qu’il n’y aurait « jamais d’État palestinien à l’ouest du Jourdain ».
Il a promis une intensification de la colonisation en Cisjordanie et s’est dit prêt à empêcher par tous les moyens l’établissement d’un État qu’il qualifie de « terroriste ».
Par ailleurs, le gouvernement israélien a dénoncé une tentative d’« instrumentalisation politique » de la tragédie du 7 octobre et a accusé les pays reconnaissant la Palestine de compromettre les efforts de libération des otages détenus par le Hamas.
Trump, Starmer et les équilibres fragiles
La reconnaissance britannique intervient quelques jours après la visite officielle de Donald Trump à Londres. L’ancien président américain s’était montré hostile à toute démarche de reconnaissance et avait préféré axer ses discours sur la lutte contre le Hamas. Starmer, soucieux de préserver les liens avec Washington, a attendu son départ avant d’annoncer sa décision. Ce timing, bien que critiqué par certains, traduit une volonté d’équilibrisme politique.
Fait notable : Starmer a rappelé que des membres de sa famille élargie vivent en Israël, sa femme étant d’origine juive. Il a ainsi souligné son rejet du Hamas tout en assumant sa position favorable à une reconnaissance étatique palestinienne sans ambiguïté.
Une reconnaissance aux effets limités… pour l’instant
Bien que symboliquement forte, cette vague de reconnaissances ne devrait pas, à court terme, modifier la situation sur le terrain. La bande de Gaza reste sous blocus, les colonies israéliennes s’étendent, et le gouvernement Netanyahu continue d’opposer un refus catégorique à toute concession territoriale.
Cependant, cette dynamique diplomatique change les équilibres et accentue la pression internationale. Déjà plus de 150 pays membres de l’ONU reconnaissent la Palestine, mais l’adhésion officielle comme État membre reste bloquée au Conseil de sécurité par le veto américain.
Cette décision concertée pourrait marquer un tournant. D’une part, elle isole un peu plus Israël sur la scène internationale. D’autre part, elle renforce la légitimité de la cause palestinienne dans les enceintes multilatérales.
Mais surtout, elle révèle une évolution dans la posture occidentale : de plus en plus de gouvernements ne veulent plus rester passifs face à la tragédie humanitaire de Gaza. Ils semblent désormais prêts à assumer des choix politiques à forte portée symbolique, même au risque de froisser Washington ou d’exacerber les tensions avec Tel-Aviv.
Paul Lamier Grandes Lignes












