Moins d’un an après avoir succédé à Fumio Kishida, Shigeru Ishiba a annoncé sa démission. Officiellement motivée par la volonté de « laisser la place à la prochaine génération », sa décision révèle surtout la fragilité d’un leadership miné par les défaites électorales et les luttes internes au Parti libéral-démocrate (PLD).
Une série de revers électoraux fatals
La chute d’Ishiba trouve son origine dans les mauvais résultats du PLD aux législatives et aux sénatoriales. La coalition au pouvoir a perdu sa majorité à la chambre haute le 20 juillet, quelques mois après avoir déjà dû composer avec un gouvernement minoritaire à la chambre basse. Pour un parti habitué à dominer la scène politique japonaise depuis des décennies, ce revers était difficile à encaisser.
La pression interne du PLD
Plus que l’opposition, ce sont les barons du PLD qui ont poussé Ishiba vers la sortie. Le secrétaire général Hiroshi Moriyama et trois autres figures avaient proposé leur démission, signe d’un désaveu profond. Samedi encore, l’ancien Premier ministre Yoshihide Suga et le ministre de l’Agriculture Shinjiro Koizumi l’ont exhorté à partir. Pour éviter une fracture ouverte au sein du parti, Ishiba a fini par céder.
Un paradoxe : la popularité en hausse
La démission intervient pourtant au moment où sa cote de popularité repartait à la hausse. Fin août, les sondages donnaient 39 % d’opinions favorables, soit une remontée de 17 points, grâce à un accord commercial avec Washington réduisant les droits de douane américains et à des mesures pour freiner l’inflation alimentaire. Mais ce regain n’a pas suffi à contrebalancer le discrédit électoral.
La succession déjà ouverte
La course à la direction du PLD est désormais lancée. Sa rivale de longue date, Sanae Takaichi, nationaliste assumée, est en bonne position. Un sondage du Nikkei la plaçait déjà en tête des personnalités jugées les plus aptes à succéder à Ishiba, devant Shinjiro Koizumi. Le choix du PLD pèsera directement sur l’orientation politique du Japon, à la fois sur la scène intérieure et face à ses alliés stratégiques.
Une crise de leadership récurrente au Japon
Cette nouvelle démission illustre une tendance lourde : l’instabilité chronique des Premiers ministres japonais. En deux ans, le pays aura vu défiler quatre chefs de gouvernement. Pour l’archipel, habitué à des majorités solides et à une diplomatie prévisible, cette valse fragilise la capacité de Tokyo à projeter une image de stabilité dans un environnement régional marqué par les tensions avec Pékin et Pyongyang.
La démission de Shigeru Ishiba n’est donc pas seulement un échec personnel. Elle révèle la difficulté croissante, pour tout Premier ministre japonais, de concilier l’héritage du PLD, les attentes d’un électorat volatil et la nécessité de s’imposer dans un monde de plus en plus instable.
Paul Lamier Grandes Lignes