10 Août 2025, dim

Privés d’aide : l’abandon silencieux de 26 millions de déplacés

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Alors que les crises internationales attirent l’attention du monde entier de l’Ukraine à Gaza, des millions de personnes déplacées continuent de vivre dans une indifférence glaçante. Le dernier rapport du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) révèle une réalité sidérante : dix crises humanitaires mobilisent très peu d’aide, ne font l’objet d’aucun débat politique global sérieux et sont largement absentes des radars médiatiques. Pourtant, elles touchent plus de 26 millions de personnes.

Une cartographie de la négligence

Le NRC s’est appuyé sur trois indicateurs pour établir cette liste : le sous-financement humanitaire, la faible couverture médiatique et l’absence d’initiative politique internationale. Le résultat est sans appel : huit pays africains, un pays asiatique (l’Iran) et un pays d’Amérique centrale (le Honduras) forment le cœur d’une zone grise de l’indifférence mondiale.

En tête du classement, le Cameroun, théâtre de conflits multiples, souffre d’une famine rampante et d’une crise sécuritaire chronique, alors que son nom reste quasi absent des journaux internationaux. Derrière, l’Éthiopie, avec ses conflits internes et sa vulnérabilité climatique, suit une trajectoire dramatique. Le Mozambique, en proie à la violence dans le nord et aux catastrophes climatiques, entre dans la liste pour la première fois.

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Genet Araya, 65 ans, est assise sur son lit au centre pour personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) de Mekele, où elle vit depuis le 17 octobre 2022, et parle de l’impact de l’USAID sur les PDI. « C’est très difficile d’exprimer ce que je ressens, ce que nous ressentons. Nous sommes seuls et nous le savons, la seule chose qui nous reste est de prier pour que Dieu nous aide ou d’attendre la mort », a-t-elle déclaré. La fin du soutien de l’USAID et la réduction de l’aide des agences internationales ont gravement affecté les personnes déplacées au Tigré. Au centre pour personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) de 70 Kare, la dernière livraison de blé de l’USAID remonte à décembre 2024, et les rations d’aide globales sont passées de 15 kg à 9 kg par personne depuis l’arrivée au pouvoir de Trump. La crise ne se limite pas à l’alimentation : les coûts médicaux ont grimpé en flèche et des produits de première nécessité, comme les crèmes antiallergiques, coûtent désormais cinq fois plus cher, laissant les familles vulnérables en difficulté. 

Un financement sélectif

Ces crises sont-elles moins graves que celles qui dominent l’actualité ? Loin de là. Mais elles sont moins “stratégiques” aux yeux des grandes puissances donatrices. Le sous-financement y est plus marqué qu’ailleurs : seulement 28 % des besoins couverts en Éthiopie, 25 % en Iran, 39 % au Mali. À l’échelle mondiale, les financements humanitaires ne suffisent déjà qu’à la moitié des besoins réels. Dans ces zones négligées, ce taux chute encore davantage.

Le contraste est d’autant plus frappant que le coût estimé pour couvrir l’ensemble des besoins humanitaires mondiaux environ 25 milliards de dollars équivaut aux dépenses militaires globales… sur trois jours. Le choix de l’inaction n’est donc pas budgétaire. Il est politique.

L’effet “crise prolongée”

Le NRC insiste sur une tendance inquiétante : les crises prolongées deviennent invisibles. Parce qu’elles traînent depuis des années, elles sont perçues comme « normales », banalisées au point de ne plus susciter de mobilisation. Cette forme d’« amnésie humanitaire » frappe des pays comme le Burkina Faso, la RDC ou la Somalie, où les besoins sont toujours massifs mais l’intérêt politique décroît.

En parallèle, les politiques nationalistes et le repli sur soi des pays du Nord, particulièrement visibles depuis la présidence Trump, ont encouragé des coupes dans les budgets d’aide internationale, y compris dans des pays historiquement généreux comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni.

Crise climatique, crise géopolitique

Les données du rapport soulignent également un autre phénomène : la convergence entre déplacement, changement climatique et instabilité politique. Le Mozambique, le Cameroun, la Somalie ou l’Éthiopie illustrent cette intersection explosive. Les populations les plus pauvres, souvent agricoles et déjà fragilisées par les conflits, paient le prix fort des dérèglements climatiques.

Autre constat : les pays hôtes de réfugiés sont eux-mêmes en crise. L’Iran, avec plus de 6 millions de réfugiés, et l’Ouganda, qui en accueille près de 1,75 million, doivent gérer des pressions humanitaires colossales sans soutien suffisant.

Le Honduras, plaque tournante migratoire vers les États-Unis, voit défiler chaque année des centaines de milliers de réfugiés venus du Venezuela, d’Haïti ou de Cuba. Mais il n’est vu que comme un pays de transit, jamais comme un territoire en crise humanitaire à part entière.

Ce rapport est plus qu’un constat : c’est un signal d’alarme. Il met en lumière l’injustice d’un système d’aide humanitaire régi par la visibilité médiatique et l’intérêt géopolitique. Dans un monde où les budgets existent mais sont orientés selon des critères de convenance, des millions de vies basculent dans l’oubli.

Le NRC le dit sans détour : il ne s’agit pas seulement d’un manque de moyens, mais d’un manque de volonté. L’aide humanitaire ne doit pas être un privilège réservé aux conflits “médiatiques” ou aux zones stratégiques. Il en va de la crédibilité de la solidarité internationale.

Paul Lamier Grandes Lignes

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