5 Nov 2025, mer

Procès Sarkozy : ce que dit vraiment le jugement

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Le choc est juridique autant que politique : Nicolas Sarkozy a été reconnu coupable d’« association de malfaiteurs » dans l’affaire des financements libyens et condamné à cinq ans de prison ferme, assortis d’un mandat de dépôt à effet différé et d’une exécution provisoire. Autrement dit, sauf rebondissement procédural, l’ancien chef de l’État devrait être incarcéré avant l’examen de son appel, qu’il a d’ores et déjà annoncé. Le tribunal a également prononcé cinq ans d’inéligibilité, là encore avec exécution provisoire. Claude Guéant et Brice Hortefeux sont condamnés pour les mêmes faits, Éric Woerth est relaxé.

Au cœur de la décision, un constat : dès l’automne 2005, une entente clandestine s’est structurée autour de contacts non officiels avec le régime de Mouammar Kadhafi pour préparer un financement occulte de la campagne présidentielle de 2007 et esquisser des contreparties politiques et judiciaires. Les juges estiment que Guéant et Hortefeux, « sous l’autorité et pour le compte » du ministre de l’Intérieur d’alors, ont rencontré à Tripoli le numéro deux libyen Abdallah Senoussi condamné en France pour l’attentat du DC-10 d’UTA via l’intermédiaire Ziad Takieddine, présenté comme détenteur d’« contacts exclusifs » à Tripoli. Le tribunal juge non crédible l’idée que ces démarches aient pu se dérouler à l’insu de Nicolas Sarkozy.

Sur la réalité des flux, la formation correctionnelle s’appuie sur deux piliers probants : les carnets de l’ex-Premier ministre libyen Choukri Ghanem, qui consignent en avril 2007 des versements destinés à la campagne (1,5 M€ de Béchir Saleh, 3 M€ de Saïf al-Islam Kadhafi, 2 M€ d’Abdallah Senoussi) ; et des relevés bancaires faisant apparaître des transferts concordants vers Alexandre Djouhri et Ziad Takieddine en 2006. Conclusion des juges : de l’argent libyen a bien été envoyé dans le but de financer la campagne Sarkozy.

Pourquoi alors la relaxe pour corruption et financement illégal de campagne ? Raisons juridiques précises. Pour la corruption, le droit exige que le « corrompu » soit déjà dépositaire de l’autorité publique au moment du pacte ; fin 2005, Sarkozy est candidat, non président. La corruption n’aurait été constituée que s’il avait exécuté une contrepartie après son entrée en fonctions ce que le dossier n’établit pas clairement. Pour le financement illicite, la loi fait du candidat l’auteur principal et des autres des complices ; or le tribunal dit ne pas pouvoir prouver que Sarkozy ait personnellement su la circulation de cash non déclaré. L’auteur principal relaxé, les complices ne peuvent être condamnés : d’où la relaxe d’Éric Woerth, malgré des explications jugées « dénuées de crédibilité ».

La sévérité des peines s’explique par la « gravité exceptionnelle » retenue : préparation d’une corruption au sommet de l’État, usage de fonctions ministérielles pour organiser un schéma de financement étranger, interférences autour d’un condamné pour terrorisme. Les juges pointent aussi l’attitude de l’ancien président durant l’audience (minimisation d’une précédente condamnation et mise en cause de l’institution judiciaire) pour justifier l’exécution provisoire.

Fait peu commenté, le tribunal reconnaît des victimes : les familles du DC-10 d’UTA au titre d’un préjudice moral lié aux tractations autour de Senoussi et les ONG anticorruption (Sherpa, Anticor, Transparency International) au nom de la probité publique ; toutes obtiennent des dommages et intérêts. À côté, le volet personnel de Claude Guéant 500 000 € perçus en 2008 via un circuit lié à des fonds publics libyens est lourdement sanctionné ; la thèse d’une vente de toiles est écartée comme fictive. Thierry Gaubert est relaxé, le tribunal retenant qu’il n’est pas établi qu’il savait l’origine libyenne des 440 000 € perçus en 2006 et que le blanchiment fiscal correspondant a déjà été jugé.

Que va-t-il se passer maintenant ? L’appel est formé, ce qui rétablit la présomption d’innocence des condamnés sur le fond en attendant l’arrêt. Mais l’exécution provisoire décidée par le tribunal signifie que la peine d’emprisonnement de Nicolas Sarkozy peut être mise à exécution sans attendre la décision d’appel, selon un calendrier organisé avec le parquet.

Au-delà du destin judiciaire d’un ancien président, ce jugement documente, nomme et hiérarchise des faits qui touchent à la probité des campagnes et à la confiance démocratique. L’appel dira le droit. Le pays, lui, reste face à une question simple et exigeante : quelles garanties se donne-t-il pour que l’argent, surtout venu de l’étranger, ne dicte jamais le tempo de l’État ?

Adonis Kanga Grandes Lignes

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