À la veille d’une transition de leadership à la Banque africaine de développement (BAD), les regards se tournent vers le processus de désignation de celui – ou celle – qui prendra la relève d’Akinwumi Adesina, en poste depuis 2015. Dans un contexte international de plus en plus fragmenté et face à des défis multiples sur le continent, cette élection s’annonce décisive pour l’avenir de l’institution.
Cinq personnalités sont en lice, chacune portée par une vision et une trajectoire singulière :
• Amadou Hott (Sénégal), ancien ministre de l’Économie,
• Samuel Maimbo (Zambie), haut cadre à la Banque mondiale,
• Sidi Ould Tah (Mauritanie), ex-ministre des Finances,
• Abbas Mahamat Tolli (Tchad), ancien gouverneur de la BEAC,
• Swazi Tshabalala (Afrique du Sud), actuelle vice-présidente de la BAD.
Le 24 avril, ces candidats seront invités à exposer leur projet de présidence lors d’une discussion organisée par Brookings, en marge des réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale. L’enjeu ne sera pas seulement de convaincre, mais d’esquisser ce que pourrait être la BAD de demain, dans un monde où les équilibres économiques évoluent vite.
Un demi-siècle de leadership africain
Depuis sa création en 1964, la BAD a connu neuf présidents, chacun marquant une étape clé de son développement. Le Soudanais Mamoun Beheiry, premier à occuper le poste, a posé les fondations d’une institution modeste mais ambitieuse. Son successeur, le Tunisien Abdelwahab Labidi, a notamment porté la première augmentation de capital.
Le Ghanéen Kwame Donkor Fordwor a lancé l’ouverture aux actionnaires non-régionaux, malgré les résistances internes. Le Zambien Wila Mung’Omba a ensuite conforté cette orientation en permettant à la Banque d’obtenir sa première notation AAA, tandis que le Sénégalais Babacar Ndiaye a étendu les capacités financières de l’institution et lancé la création d’Afreximbank.
En 1995, le Marocain Omar Kabbaj a entrepris une vaste réforme structurelle, consolidant la solidité financière de la Banque. Le Rwandais Donald Kaberuka (2005-2015) a quant à lui renforcé l’influence extérieure de la BAD, en particulier après la crise financière mondiale. Enfin, Akinwumi Adesina a misé sur la visibilité, la mobilisation de capitaux et la montée en puissance de la Banque sur la scène multilatérale, avec son initiative phare des “High 5”.
Une transition stratégique
Le prochain président aura à poursuivre cette trajectoire tout en répondant aux urgences contemporaines : pressions budgétaires, crise climatique, besoins d’infrastructures, enjeux de souveraineté économique. Il ou elle devra aussi affirmer la place de l’Afrique dans les nouvelles architectures financières mondiales.
L’élection prévue en mai pourrait aussi avoir une portée symbolique. Si Swazi Tshabalala est élue, elle deviendrait la première femme à diriger la BAD. En parallèle, la règle tacite de rotation géographique – jusqu’ici respectée – pourrait également peser dans les discussions entre actionnaires.