Quinze ans après sa suspension, Madagascar accède pour la première fois à la présidence tournante de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Une étape majeure qui confirme son retour sur la scène régionale, dans un contexte de tensions politiques et économiques.
Une présidence aux enjeux multiples
La SADC fonctionne à travers une double Troïka :
- La Troïka du Sommet, organe suprême de décision et d’orientation stratégique.
- La Troïka de l’Organe, focalisée sur la politique, la défense et la sécurité.
Andry Rajoelina siège actuellement dans la Troïka du Sommet aux côtés du Zimbabwe (présidence sortante) et de l’Angola. La présidence malgache avait salué cette désignation comme une « étape historique affirmant le rôle de leader régional de Madagascar ».
Cette responsabilité intervient alors qu’Antananarivo cherche à accroître son influence diplomatique, après la tentative, en février 2025, de faire élire Richard Randriamandrato à la tête de la Commission de l’Union africaine.
Un contexte économique et diplomatique délicat
La SADC représente un bloc économique dont le produit intérieur brut combiné dépasse 841 milliards de dollars. Pourtant, les défis sont immenses :
- Réduction des financements américains : l’administration Trump a annoncé des coupes dans certains programmes, notamment l’USAID.
- Incertitudes autour de l’AGOA : ce régime préférentiel d’accès au marché américain est vital pour des pays comme l’Afrique du Sud, ou la Zambie.
À ces enjeux s’ajoute l’insécurité alimentaire, qui touche plus de 40 millions de personnes chaque année dans la région, selon le Programme régional d’évaluation de la vulnérabilité de la SADC. Les causes : pauvreté persistante, effets du changement climatique et conflits internes.
Une SADC face aux crises régionales
Depuis un an, la SADC a dû gérer plusieurs crises, notamment :
- La crise post-électorale au Mozambique, où le scrutin d’octobre 2024 a provoqué des troubles civils.
- La situation en RDC, marquée par la résurgence des rebelles du M23.
Après avoir prolongé le mandat de la Mission de la SADC en RDC (SAMIDRC) en novembre 2024, les chefs d’État ont décidé en mars 2025 de mettre fin à cette mission, actant un retrait progressif des troupes.
Madagascar face au défi du leadership régional
L’arrivée de Madagascar à la tête de la SADC se joue dans un environnement dominé par les grandes puissances régionales, notamment l’Afrique du Sud. Ce leadership sud-africain, considéré comme parfois trop prépondérant, soulève des débats sur l’équilibre interne de l’organisation.
Le professeur Saurombe Amos, membre du BRICS Think Tanks Council, souligne que « ces divergences pourraient freiner les objectifs d’intégration régionale ». De son côté, ISS Africa a mis en garde contre « le manque de cohésion » au sein de la SADC, illustré par la gestion difficile de la SAMIDRC.
Pour Antananarivo, ce mandat représente l’opportunité de prouver qu’un leadership intermédiaire peut dynamiser l’intégration régionale. Madagascar pourrait ainsi promouvoir :
- L’accélération de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF).
- Le développement de l’interconnexion énergétique dans le sud du continent.
En assumant la présidence de la SADC, Andry Rajoelina devra conjuguer ambition diplomatique et pragmatisme pour s’imposer comme un acteur central dans la stabilité et la croissance de l’Afrique australe.