Accusée d’avoir perçu indûment plus de 900 000 euros pour des prestations de conseil auprès de Renault-Nissan entre 2010 et 2012, la ministre française de la Culture, Rachida Dati, sera prochainement jugée devant le tribunal correctionnel. Mais dans l’ombre du volet judiciaire, un autre épisode, plus discret, s’écrit : deux anciens ministres marocains ont choisi de témoigner en sa faveur, saluant son rôle déterminant dans la réussite du projet Renault à Tanger.
Soutiens de poids venus du royaume
Dans des attestations écrites transmises à la justice française, Mohamed Hassad, alors wali de la région Tanger-Tétouan puis ministre de l’Intérieur, et Ahmed Réda Chami, ancien ministre de l’Industrie, affirment que Rachida Dati a joué un rôle « stratégique » au moment où le projet Renault Tanger-Med menaçait de vaciller. La crise financière de 2008, suivie par les incertitudes du Printemps arabe, avait fragilisé ce chantier industriel emblématique de plus d’un milliard d’euros.
Les deux responsables marocains assurent que Dati s’est impliquée personnellement pour faciliter le déblocage de soutiens publics, anticiper les obstacles et maintenir la dynamique de coopération entre Paris et Rabat.
Un carnet d’adresses actif entre les deux rives
Plus qu’un simple geste de soutien, ces témoignages rappellent la place singulière occupée par Rachida Dati dans les relations franco-marocaines. Depuis plus de vingt ans, l’ancienne garde des Sceaux cultive un réseau dense dans les cercles politiques et économiques marocains. Ce réseau, discret mais influent, a été mobilisé à plusieurs reprises lors de dossiers bilatéraux sensibles, à commencer par les projets structurants comme le TGV Tanger-Casablanca ou l’usine Renault de Melloussa.
À Paris comme à Rabat, de nombreux interlocuteurs lui reconnaissent une capacité à « faire le lien » dans les moments de tension, à ouvrir des portes, à aplanir les conflits. Son influence, bien que non officielle, a parfois servi à maintenir un dialogue là où les canaux diplomatiques traditionnels s’étaient refermés.
L’affaire judiciaire, révélatrice d’un paradoxe
Le dossier judiciaire dans lequel elle est aujourd’hui impliquée soulève une question plus large. Celle du rôle officieux mais parfois décisif joué par certaines figures issues de la diaspora dans les échanges diplomatiques et économiques. Sollicitées en coulisses, elles deviennent vulnérables dès lors que leurs actions échappent aux standards procéduraux du droit français.
Ce qui est valorisé en politique l’entregent, la confiance personnelle, la capacité à débloquer des situations complexes devient objet de suspicion dès qu’il s’agit d’en rendre compte devant la justice. Rachida Dati incarne cette tension : femme de réseaux et de convictions, actrice discrète des relations bilatérales, elle se retrouve aujourd’hui au cœur d’un procès où les frontières entre influence légitime et conflit d’intérêts seront scrutées à la loupe.
Paul Lamier Grandes Lignes












