Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a déclenché une vive polémique en qualifiant de « lâches » les Afrikaners qui cherchent à obtenir le statut de réfugié aux États-Unis. Cette déclaration survient alors que des dizaines de Sud-Africains blancs ont déjà été accueillis en sol américain grâce à un programme spécial de réinstallation, soutenu par l’administration Trump.
Une déclaration qui suscite la controverse
Lors d’une rencontre avec des journalistes à Abidjan, en Côte d’Ivoire, Cyril Ramaphosa a vivement critiqué les Sud-Africains blancs qui émigrent vers les États-Unis, profitant de ce programme. « Ils s’enfuient », a-t-il affirmé. « Quand vous vous enfuyez, vous êtes un lâche. » Le président sud-africain a insisté sur le fait que ces citoyens devraient contribuer au développement de leur pays au lieu de le quitter.
Un programme américain controversé
Ce programme de réfugiés, initié sous l’administration Trump, vise spécifiquement les Afrikaners, une minorité ethnique blanche d’Afrique du Sud. Plus de 8 000 Sud-Africains ont exprimé leur intérêt pour ce programme, qui leur offre la possibilité de s’installer aux États-Unis.
Le premier groupe de ces réfugiés est arrivé cette semaine à Washington, accueilli sur un vol charter financé par le gouvernement américain. Ce programme a été mis en place malgré la politique restrictive de l’administration Trump sur l’immigration, qui a fermé les portes aux réfugiés en provenance de pays en conflit comme l’Afghanistan ou la République démocratique du Congo.
Ramaphosa conteste la définition de réfugié
Pour Cyril Ramaphosa, les Afrikaners qui émigrent aux États-Unis ne répondent pas à la définition de réfugiés telle qu’établie par le droit international. « Un réfugié est quelqu’un qui doit quitter son pays par crainte de persécution politique ou religieuse », a-t-il précisé. « Ce n’est pas la situation des Sud-Africains blancs. »
Un sujet qui ravive les tensions entre Pretoria et Washington
La décision de Donald Trump de faciliter l’accueil des Afrikaners comme réfugiés a exacerbé les tensions entre les deux pays. L’ancien président américain avait déjà accusé les autorités sud-africaines de persécuter les agriculteurs blancs, une affirmation régulièrement démentie par Pretoria.
Les données de la police sud-africaine montrent que, sur les 225 personnes tuées dans des fermes entre avril 2020 et mars 2024, seulement 53 étaient des agriculteurs, généralement blancs. Le reste des victimes étaient des travailleurs agricoles, en majorité noirs. Ces chiffres contredisent la théorie de « génocide des fermiers blancs » soutenue par Donald Trump et ses alliés, notamment le milliardaire sud-africain Elon Musk, qui a relayé ces allégations sur ses réseaux sociaux en 2023.
Un choix géopolitique assumé par l’administration Trump
En février, l’administration Trump avait suspendu toute aide étrangère à l’Afrique du Sud, justifiant cette décision par les prétendus mauvais traitements subis par les propriétaires terriens blancs. Ce geste s’inscrit dans une série de mesures visant à sanctionner Pretoria, que Washington accuse de maintenir des relations trop étroites avec l’Iran et d’adopter une position hostile à Israël.
En contraste avec cette politique restrictive envers d’autres réfugiés, les États-Unis ont traité les demandes d’asile des Afrikaners en seulement trois mois, un délai exceptionnellement rapide pour un processus qui peut normalement prendre plusieurs années. Les Afrikaners bénéficient donc d’un traitement de faveur qui alimente les critiques.
Un enjeu politique pour les deux pays
Pour les autorités sud-africaines, cette initiative américaine s’apparente à une tentative de déstabiliser le pays. Elles y voient une opération politique visant à présenter l’Afrique du Sud comme un pays où les Blancs seraient persécutés. « Les Afrikaners ne sont pas des réfugiés », a martelé Ramaphosa. « Ils n’ont jamais été persécutés pour des raisons politiques ou religieuses. »
En Afrique du Sud, les commentaires de Cyril Ramaphosa ont suscité un vif débat, certains saluant sa fermeté tandis que d’autres le critiquent pour son manque de compassion envers ceux qui choisissent de partir.
Malgré cette polémique, Cyril Ramaphosa devrait rencontrer Donald Trump à Washington le 21 mai. Cette rencontre pourrait être l’occasion d’aborder directement cette question sensible.
Les relations entre les deux pays, déjà tendues, seront au cœur de cette rencontre, avec des désaccords sur les politiques migratoires, les droits de l’homme et les relations de Pretoria avec les puissances rivales de Washington, notamment l’Iran et la Russie.
Paul Lamier Grandes Lignes