Les discussions entamées à Doha entre le gouvernement congolais et le mouvement rebelle AFC/M23 viennent d’être suspendues, ont confirmé plusieurs sources proches du dossier. Un coup d’arrêt qui intervient dans un contexte politique de plus en plus inflammable, alors que l’ancien président Joseph Kabila a annoncé son retour dans l’Est de la République démocratique du Congo.
Un signal fort, lourd de symboles et aux répercussions déjà tangibles.
Un climat de crispation renouvelé
Si le processus de Doha avait été salué comme un pas vers un désamorçage progressif des tensions, les récents développements viennent rebattre les cartes. Selon nos informations, l’AFC/M23 a durci sa position et réajusté ses conditions préalables à toute reprise du dialogue. Parmi celles-ci figure une exigence désormais martelée avec insistance : la démission immédiate du président Félix Antoine Tshisekedi, ou à défaut, l’instauration d’un régime de cohabitation politique avec une représentation directe du mouvement au sommet de l’État.
Un seuil politique difficilement franchissable pour Kinshasa, qui voit dans cette revendication un véritable chantage à la légitimité républicaine. Pourtant, le mouvement rebelle semble aujourd’hui conforté par une nouvelle dynamique, celle provoquée par l’annonce du retour de Joseph Kabila dans l’Est du pays, bastion historique de son influence.
Kabila, catalyseur silencieux ?
Pour nombre d’observateurs, le retour de l’ancien chef de l’État après six années de silence n’est pas anodin. À Goma, il apparaît déjà comme un facteur de recomposition politique, une présence qui, sans s’inscrire officiellement dans le processus en cours, modifie l’équilibre des forces.
Dans les cercles rebelles, cette annonce a été reçue comme une forme de validation implicite de certaines revendications, notamment celles liées à la reconnaissance politique des communautés marginalisées, et au traitement réservé aux populations de l’Est dans les conflits armés.
Les sept préalables de l’AFC/M23 avant Doha
Bien avant l’épisode Kabila, l’AFC/M23 avait formalisé une série de conditions pour s’asseoir à la table des négociations avec Kinshasa. Voici les principaux points, qui forment aujourd’hui l’ossature de son cahier de revendications :
1. Une déclaration officielle du président Tshisekedi affirmant son intention claire de négocier directement avec l’AFC/M23.
2. L’abrogation de la résolution parlementaire du 8 novembre 2022 et de toutes les mesures restrictives visant le mouvement.
3. L’annulation de toutes les poursuites judiciaires, mandats d’arrêt, condamnations à mort et offres de primes liées aux membres du groupe.
4. La libération immédiate des personnes arrêtées en lien supposé avec l’AFC/M23, souvent ciblées sur des bases ethniques ou linguistiques.
5. La criminalisation des discours de haine et des violences ciblant les locuteurs du swahili ou du kinyarwanda, fréquemment assimilés à des “infiltrés rwandais”.
6. La fin des discriminations et du déni de nationalité visant certaines communautés stigmatisées dans l’Est du pays.
7. La signature d’un accord bilatéral de cessez-le-feu, condition sine qua non à tout processus politique durable.
Et maintenant ?
Ce gel des négociations n’est pas une simple pause. Il reflète un blocage structurel profond sur la question du dialogue avec les groupes armés dans l’Est congolais, et plus largement sur la capacité de l’État à produire une réponse politique à un conflit qui ne cesse de muter.
Avec le retour de Kabila, l’apparition de nouvelles alliances, et l’intransigeance croissante de l’AFC/M23, l’équation de la paix devient plus complexe que jamais. Reste à savoir si Kinshasa parviendra à imposer son agenda, ou s’il devra composer avec une réalité géopolitique en mouvement.