Le général Assimi Goïta est désormais solidement installé à la tête du Mali. Le Conseil national de transition (CNT) a adopté, ce 3 juillet 2025, un projet de loi lui accordant un mandat présidentiel de cinq ans renouvelable à volonté sans passer par les urnes. Un tournant décisif dans l’histoire politique du pays sahélien, qui consacre un pouvoir militaire de plus en plus autoritaire.
Une loi taillée sur mesure
Adopté en conseil des ministres le 11 juin dernier, le texte législatif officialise ce qui se dessinait depuis plusieurs mois : une présidence sans élection, fondée sur les « recommandations » d’une concertation nationale organisée par la junte fin avril. Selon cette feuille de route, Assimi Goïta est reconduit à la tête du pays pour cinq ans, avec la possibilité de renouveler ce mandat indéfiniment.
Cette « concertation nationale », largement dominée par les soutiens du régime et boycottée par une majorité de partis politiques, a aussi permis à la junte d’obtenir une caution institutionnelle pour enterrer la perspective d’élections démocratiques dans un avenir proche. Depuis le 13 mai, les partis politiques ont d’ailleurs été dissous par décret présidentiel. Le régime en place justifie ces mesures comme des actes de « refondation », tandis que l’opposition y voit un verrouillage total du pouvoir.
De la promesse de transition au pouvoir sans fin
Arrivé au pouvoir après deux coups d’État en 2020 et 2021, le colonel devenu général s’était pourtant engagé, devant la communauté internationale, à remettre le pouvoir aux civils d’ici mars 2024. À mesure que cette échéance approchait, les signes d’un recul de la transition se sont multipliés : reports électoraux successifs, mise à l’écart de l’opposition, restrictions sur la liberté de la presse et enfin, dissolution des partis.
Le vote du 3 juillet au CNT a définitivement scellé ce glissement. « Il s’agit là d’une avancée majeure dans la refondation du Mali », a justifié Malick Diaw, président de l’organe législatif. « L’adoption de ce texte est conforme à la volonté populaire », a-t-il ajouté, en référence aux « assises nationales » qui ont précédé cette décision. Mais pour nombre d’observateurs, cette volonté populaire reste difficile à mesurer dans un pays où toute forme de contestation est désormais étouffée.
Le pays en guerre, la démocratie suspendue
Cette reconduction de fait intervient alors que le Mali continue de faire face à une insécurité croissante. Le 1er juillet, des attaques coordonnées menées par des groupes djihadistes ont visé des positions de l’armée dans sept localités de l’ouest du pays, dont Kayes, Nioro du Sahel et Niono. Des offensives qui montrent les limites de la stratégie sécuritaire de la junte, malgré la fin de la coopération militaire avec la France et l’arrivée du groupe paramilitaire russe Wagner.
Alors que le pays vacille entre guerre asymétrique, isolement diplomatique et autoritarisme, la junte semble désormais avoir les mains totalement libres pour imposer son calendrier. L’objectif affiché est de restaurer un « État fort » mais sans opposition, sans presse libre, et sans élections.
Vers une présidence à durée illimitée ?
Avec cette loi, Assimi Goïta ouvre un cycle sans véritable limite dans le temps. Si le mandat de cinq ans est renouvelable sans restriction, cela signifie que le général pourra, sauf événement majeur, rester au pouvoir jusqu’en 2030, voire bien au-delà.
Cette évolution du régime malien fait écho à d’autres dynamiques autoritaires observées en Afrique de l’Ouest, notamment au Burkina Faso et en Guinée, où les juntes ont également prolongé leur pouvoir en écartant les échéances électorales.
Dans un pays déjà éprouvé par des décennies de crises sécuritaires et institutionnelles, la concentration du pouvoir dans les mains d’un seul homme, sans légitimité électorale, pourrait à terme alimenter de nouvelles formes de résistance. Mais pour l’heure, le silence des institutions, la démobilisation des partis politiques, et la peur généralisée offrent au général Goïta un boulevard inédit.
Paul Lamier Grandes Lignes