Depuis quelques semaines, la scène politique sénégalaise est rythmée par une image : celle du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko, main dans la main, affichant une entente retrouvée. Mais derrière cette harmonie de façade, beaucoup s’interrogent : le duo qui a conquis le pouvoir peut-il résister aux premières secousses d’un partage inédit du pouvoir au sommet de l’État ?

De la complicité à la crispation

Élus en 2024 sur le slogan « Sonko mooy Diomaye », les deux hommes avaient incarné un souffle d’espoir, porté par une jeunesse en quête de rupture. Mais en juillet dernier, Ousmane Sonko a publiquement reproché au chef de l’État un « manque d’autorité », insinuant que s’il était lui-même président, « les choses ne se passeraient pas ainsi ». Une sortie qui avait révélé un malaise interne, nourri par le sentiment, chez Sonko et sa base, d’un soutien présidentiel insuffisant face aux attaques dont il dit être la cible.

Un équilibre fragile

Depuis, les gestes d’apaisement se sont multipliés. Le président Faye a assuré qu’aucun conflit ne l’opposait à son Premier ministre. Mais plusieurs signaux traduisent une fracture : militants hostiles à Diomaye Faye sur les réseaux sociaux, responsables du Pastef affichant leur fidélité à Sonko, voire un député allant jusqu’à qualifier le Premier ministre de « président légitime » et Diomaye de « président légal ».

Deux camps au sein du Pastef

Les observateurs s’accordent à dire qu’un clivage s’installe au sein du Pastef. Si les deux dirigeants ne divergent pas encore sur le fond, des désaccords apparaissent sur la forme : gestion de la justice, traitement des crimes de l’ancien régime, ou encore nomination de personnalités accusées d’être proches du pouvoir déchu. Autant de choix qui nourrissent la méfiance.

Une cohabitation à l’épreuve de 2029

Le véritable test sera la présidentielle de 2029. Ousmane Sonko a déjà affirmé que « rien ni personne » ne l’empêcherait d’être candidat. Mais plus l’échéance approchera, plus la cohabitation entre un président détenteur du pouvoir institutionnel et un Premier ministre charismatique et chef de parti risque de se compliquer.

Un duo qui ne peut se séparer

Pour autant, beaucoup estiment que leur séparation serait catastrophique pour le Sénégal. « Rien ne peut les séparer », assurent certains cadres du Pastef, rappelant la complémentarité de deux hommes portés au sommet par un combat commun et des électeurs qui attendent des résultats sur l’emploi, la vie chère et la stabilité. Une rupture serait vécue comme une désillusion nationale.

Le tandem Diomaye–Sonko incarne à la fois l’espoir et la fragilité d’un pouvoir bicéphale. Leur avenir commun dépendra moins des sourires affichés que de leur capacité réelle à gérer ensemble les défis colossaux du Sénégal, sans laisser leurs divergences personnelles miner la confiance d’un peuple qui les a portés au pouvoir.

Paul Lamier Grandes Lignes