Lecture 04 min. Publié le 25 octobre 2025
Le voile se lève peu à peu sur l’ampleur réelle de l’endettement sénégalais. Un document budgétaire révisé, publié la semaine dernière par le ministère des Finances, révèle une explosion du service de la dette au cours des trois prochaines années. En cause : l’intégration progressive de la dette non déclarée héritée de l’administration précédente un fardeau désormais au centre des discussions entre Dakar et le Fonds monétaire international (FMI).
Une charge financière qui s’alourdit dangereusement
Le nouveau calendrier budgétaire, couvrant la période 2026-2028, montre une hausse cumulée de 3 200 milliards de FCFA (environ 5,8 milliards USD) des remboursements de dette, principal et intérêts compris. Pour 2026, le service de la dette atteint 5 490 milliards de FCFA, soit une hausse de plus de 11 % par rapport aux estimations de juin. En 2027, il bondit encore de 33 %, à 4 410 milliards. L’année 2028 marque le point culminant, avec près de 4 970 milliards de FCFA à rembourser, une hausse proche de 50 %.
Ces chiffres confirment une tension budgétaire croissante. Les marges de manœuvre de l’État se réduisent à mesure que le poids de la dette absorbe une part toujours plus importante des recettes publiques. La révision du document financier, sans explication détaillée du ministère, est attribuée à l’intégration progressive de dettes « hors bilan » laissées par le précédent gouvernement.
Une transparence coûteuse mais nécessaire
Cette nouvelle transparence budgétaire, saluée par le FMI, a toutefois un coût politique et économique. L’annonce d’une dette dissimulée estimée à 8 300 milliards FCFA (environ 12,6 milliards €) avait conduit le Fonds à suspendre, fin 2024, son programme de prêt de 1,8 milliard USD.
D’après le FMI, la dette totale du Sénégal comprenant l’État, les entreprises publiques et les arriérés représenterait désormais 132 % du PIB, un niveau inquiétant pour une économie dont la croissance repose encore sur des projets d’infrastructures financés par l’endettement.
Une mission décisive du FMI à Dakar
Le gouvernement joue désormais une partie serrée avec ses partenaires financiers. Une mission du FMI est attendue à Dakar du 22 octobre au 4 novembre pour statuer sur deux dossiers clés :
- La dérogation : le Sénégal demande à être exempté des sanctions liées à la dette non déclarée, faute de quoi tout nouvel appui financier serait suspendu.
- L’analyse de viabilité de la dette : le FMI devra déterminer si le niveau actuel d’endettement reste soutenable, ou s’il appelle à des mesures d’urgence rééchelonnement, reprofilage, voire restructuration.
L’issue de ces discussions pèsera lourd. Un feu vert du FMI permettrait de restaurer la confiance des investisseurs régionaux et internationaux, déjà ébranlée par la perte de transparence. À l’inverse, un jugement défavorable pourrait aggraver la perception de risque et renchérir le coût du crédit pour Dakar.
Entre rigueur et relance, un équilibre précaire
Le président Bassirou Diomaye Faye et son équipe économique misent sur une approche duale : rétablir la crédibilité financière du pays tout en soutenant les politiques de relance. Une équation difficile alors que le service de la dette absorbe une part record du budget national.
En toile de fond, les bailleurs internationaux scrutent la capacité du Sénégal à conjuguer transparence, discipline budgétaire et justice sociale.
La mission du FMI, plus qu’un simple audit, pourrait marquer un tournant dans la relation entre Dakar et ses partenaires financiers et, surtout, dans la manière dont le pays gère l’héritage d’une dette devenue, aujourd’hui, un véritable test de souveraineté économique.
Adonis Kanga Grandes Lignes












