Ali Bongo Ondimba, ancien président du Gabon renversé lors du coup d’État militaire du 30 août 2023, a été entendu ce mardi 1er juillet à Paris par deux juges d’instruction. Une étape clé dans le cadre de la plainte qu’il a déposée en mai dernier pour « séquestration arbitraire » et actes de torture, visant le régime militaire désormais en place à Libreville.
Cette audition, menée au tribunal judiciaire de Paris, s’inscrit dans une information judiciaire ouverte en janvier pour « enlèvement, séquestration en bande organisée » et « actes de torture et de barbarie », selon des sources proches du dossier. Ali Bongo y intervenait en tant que partie civile, autrement dit en qualité de victime présumée. Son épouse Sylvia, née en France, et son fils Noureddin, également concernés par cette plainte, affirment avoir subi des violences physiques et psychologiques lors de leur détention.
Une affaire judiciaire qui dépasse les frontières
Depuis son arrivée à Paris mi-mai, après avoir quitté le Gabon pour Luanda avec sa famille, l’ex-chef de l’État, affaibli physiquement depuis un AVC en 2018, a multiplié les démarches juridiques à l’international pour contester les conditions de sa détention après le putsch militaire.
Ses avocats Me François Zimeray, Me Pierre-Olivier Sur, Me Catalina de la Sota et Me Clara Gérard-Rodriguez saluent le sérieux de l’enquête menée par la justice française. « Les investigations avancent bien », confient-ils, affirmant que les juges ont pu établir une chronologie précise des faits, avec des responsabilités identifiées.
Libreville réfute, Paris enquête
Du côté gabonais, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, chef de la junte militaire et désormais président de la transition, nie toute accusation de maltraitance. Il assure que Sylvia Bongo et son fils Noureddin poursuivis pour détournement de fonds publics bénéficieront d’un procès « équitable ». Il a par ailleurs réfuté publiquement les allégations de torture formulées à l’encontre des nouvelles autorités.
Ce dossier judiciaire, qui met en cause les nouvelles figures du pouvoir gabonais, s’inscrit dans un contexte de rupture post-révolutionnaire au sein d’un pays marqué par plus d’un demi-siècle de gouvernance de la famille Bongo. Le patriarche, Omar Bongo, pilier de la Françafrique, a dirigé le pays pendant 41 ans, avant de transmettre le pouvoir à son fils Ali en 2009.
La justice française, nouveau terrain d’affrontement
En France, l’affaire pose des questions diplomatiques sensibles. Outre le caractère politique du coup d’État, la présence sur le sol français de membres de l’ex-famille présidentielle, désormais demandeurs de justice, pourrait alimenter des tensions entre Paris et Libreville.
L’enquête en cours pourrait aussi mettre à l’épreuve les relations entre la France et le régime militaire gabonais, dans un contexte régional marqué par une poussée de rejet des anciennes puissances coloniales et une montée des régimes autoritaires dans plusieurs pays d’Afrique centrale et de l’Ouest.