15 Juin 2025, dim

Série – Partie 4 : Le 17 mai, l’arrivée de Laurent-Désiré Kabila

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 Le Crépuscule d’une Dictature

Le 17 mai 1997, Mobutu Sese Seko fuit le Zaïre, mettant fin à plus de trois décennies de règne autoritaire. Ce départ précipité marque l’effondrement d’un régime autrefois tout-puissant, rongé par la corruption, affaibli par les révoltes et abandonné par ses alliés internationaux. Mais cette chute n’est pas le fruit du hasard. Elle est le résultat de plusieurs années de crise économique, de contestation politique et de pressions internationales. Mais surtout, elle est précipitée par une rébellion menée par Laurent-Désiré Kabila, soutenue par les puissances voisines : le Rwanda, l’Ouganda et, plus tard, l’Angola.

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1er janvier 1997,  l’ancien président zaïrois Mobutu Sese Seko (à droite) avec son épouse devant sa villa à Roquebrune-Cap-Martin, dans le sud-est de la France. Mobutu, atteint d’un cancer de la prostate.

1. Le Contexte de la Rébellion : Le Kivu, Terrain de Tensions

1.1. La Crise des Réfugiés Rwandais (1994-1996)

  • En 1994, après le génocide au Rwanda, près de 1,5 million de réfugiés hutu fuient vers l’est du Zaïre.
  • Ces réfugiés comprennent des civils, mais aussi des milices extrémistes hutu (Interahamwe) responsables du génocide.
  • Les camps de réfugiés, situés au Kivu, deviennent des bases arrières pour ces milices qui continuent leurs opérations contre le Rwanda.
  • Les tensions augmentent entre les populations locales et les réfugiés, mais aussi entre les Tutsi zaïrois (Banyamulenge) et les groupes hutu.
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Le chef rebelle tutsi et porte-parole de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre, Laurent-Désiré Kabila, entouré de Masusu Nindaya, s’adresse aux journalistes lors d’une conférence de presse, le 6 novembre 1996 à Bukavu.

1.2. Les Banyamulenge et la Répression de Mobutu

  • Les Banyamulenge, une communauté tutsi vivant au Kivu depuis des générations, sont perçus comme des étrangers par le régime de Mobutu.
  • En 1996, le gouverneur du Sud-Kivu ordonne l’expulsion de tous les Banyamulenge, déclenchant un soulèvement armé.
  • Ces Banyamulenge se joignent rapidement à une coalition rebelle dirigée par Laurent-Désiré Kabila, bénéficiant du soutien militaire du Rwanda.
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Le président gabonais Omar Bongo (à gauche) serre la main de son homologue zaïrois Mobutu Sese Seko le 17 novembre à Roquebrune-Cap-Martin, sur la Côte d’Azur. Omar Bongo s’est engagé à envoyer des troupes africaines pour soulager la crise des réfugiés au Zaïre.

1.3. Le Rôle des Voisins : Rwanda et Ouganda

  • Le Rwanda de Paul Kagame, dirigé par le Front Patriotique Rwandais (FPR), voit en cette crise une menace sécuritaire.
  • Le Rwanda et l’Ouganda décident de soutenir militairement la rébellion de Kabila pour renverser Mobutu.
  • En octobre 1996, les premières attaques rebelles commencent dans l’est du Zaïre.
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Le nouveau Premier ministre zaïrois, Étienne Tshisekedi, s’adresse aux médias le 3 avril à Kinshasa. Tshisekedi a déclaré ne pas voir l’intérêt de se rendre en Afrique du Sud pour des pourparlers avec les rebelles dirigés par Laurent-Désiré Kabila, prévus le 5 avril. Il avait auparavant proposé aux rebelles cinq portefeuilles dans son nouveau gouvernement

2. La Naissance de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre (AFDL)

2.1. Laurent-Désiré Kabila : L’Ancien Maquisard Redevenu Leader

  • Laurent-Désiré Kabila, un ancien militant marxiste qui avait combattu aux côtés de Che Guevara dans les années 1960, réapparaît sur la scène politique.
  • Peu connu en dehors du Kivu, il devient le visage de la rébellion grâce au soutien militaire et diplomatique du Rwanda.
  • Kabila crée l’AFDL, une coalition de quatre groupes rebelles, dont les Banyamulenge, mais il reste le chef incontesté.
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Le président zaïrois Mobutu Sese Seko (à droite) serre la main de l’envoyé américain Bill Richardson, le 29 avril à Kinshasa, après leur rencontre. Mobutu est disposé à rencontrer le chef rebelle Laurent Kabila immédiatement, a déclaré Richardson le 29 avril.

2.2. Le Soutien Militaire de la Région

  • Le Rwanda et l’Ouganda fournissent des armes, des troupes et des conseillers militaires à l’AFDL.
  • Les troupes rwandaises, expérimentées après le génocide, assurent l’essentiel des combats.
  • Plus tard, l’Angola et la Tanzanie se joignent au soutien de Kabila, voyant en Mobutu une menace pour leur propre stabilité.
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Les habitants de Kinshasa saluent l’entrée des troupes rebelles de l’Alliance de Laurent-Désiré Kabila dans la ville, le 17 mai 1997. Le centre-ville de Kinshasa a célébré le 18 mai 1997, marquant le début d’une nouvelle ère après l’entrée sans opposition des troupes rebelles au cœur de la ville, mettant fin à trois décennies de dictature.

3. La Marche de l’AFDL sur Kinshasa : Une Progression Inexorable

3.1. La Conquête de l’Est : Une Avancée Fulgurante

  • En quelques mois, les troupes de l’AFDL balayent les positions des Forces Armées Zaïroises (FAZ), démoralisées et mal équipées.
  • Kisangani, la grande ville de l’est, tombe aux mains des rebelles en mars 1997.
  • Les soldats zaïrois, mal payés et souvent abandonnés par leurs officiers, se livrent au pillage avant de fuir.
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Laurent-Désiré Kabila, chef de la guérilla zaïroise qui s’est emparée de vastes étendues de territoires de l’est, prend la parole le 11 mars lors d’un rassemblement à Kindu, ville prise par les rebelles.

3.2. La Crise Humanitaire des Réfugiés Hutu

  • Les camps de réfugiés hutu dans l’est du Zaïre deviennent une cible pour l’AFDL.
  • Des milliers de réfugiés sont massacrés par les troupes de Kabila et leurs alliés rwandais.
  • L’ONU dénonce des “violations massives des droits de l’homme”, mais aucune intervention internationale n’est décidée.
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14 mai 1997 montrant le président zaïrois Mobutu Sese Seko après son arrivée à l’aéroport de Pointe-Noire. Mobutu a décidé de se retirer face à l’ultimatum des rebelles lui demandant de quitter le pouvoir, a annoncé son gouvernement le 16 mai.

3.3. La Fuite de Mobutu : Un Dictateur Abandonné

  • En mai 1997, l’AFDL atteint Kinshasa. Mobutu, malade et isolé, s’enfuit en exil au Maroc.
  • Le 17 mai, Kabila entre dans la capitale sans rencontrer de résistance.
  • Mobutu meurt quelques mois plus tard à Rabat, laissant derrière lui un pays ruiné.
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14 mai 1997 montrant le président zaïrois Mobutu Sese Seko après son arrivée à l’aéroport de Pointe-Noire. Mobutu a décidé de se retirer face à l’ultimatum des rebelles lui demandant de quitter le pouvoir, a annoncé son gouvernement le 16 mai.

4. Kabila à Kinshasa : Un Nouveau Maître pour un Pays Dévasté

4.1. La Proclamation de la République Démocratique du Congo

  • Laurent-Désiré Kabila abolit le nom de “Zaïre” et rétablit la “République Démocratique du Congo” (RDC).
  • Il se proclame président et suspend la constitution, concentrant tous les pouvoirs entre ses mains.
  • Les institutions de la transition, mises en place par la Conférence Nationale Souveraine (CNS), sont dissoutes.
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Le chef des rebelles zairois Laurent Desire Kabila et le President Mobutu se rencontrent lors d’une conference de presse le 04MA197 sur le navire de la marine sud africaine au large de Pointe Noire (Congo), en presence du President sud africain Nelson Mandela.

4.2. Un Régime Autoritaire dès les Premiers Jours

  • Kabila gouverne par décrets, refusant de dialoguer avec les anciens leaders de l’opposition, comme Étienne Tshisekedi.
  • Les partis politiques sont interdits, les manifestations réprimées, et les opposants arrêtés.
  • Les soldats rwandais, restés dans le pays comme “conseillers”, contrôlent les services de sécurité.
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Mobutu Sese Seko (à gauche), et le chef rebelle de l’époque, Laurent-Désiré Kabila, à bord d’un bateau le 4 mai 1997.

4.3. Les Alliés de la Rébellion deviennent une Menace

  • Les Tutsi Banyamulenge, qui ont été les principaux alliés de Kabila, sont bientôt perçus comme une force d’occupation.
  • Les tensions entre Kabila et ses anciens alliés rwandais et ougandais augmentent.
  • En 1998, Kabila ordonne aux troupes rwandaises de quitter la RDC, déclenchant une nouvelle guerre.
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Le président zaïrois Mobutu Sese Seko (à droite) s’adresse à la presse après avoir reçu le nouveau Premier ministre zaïrois, Étienne Tshisekedi, le 4 avril à la résidence présidentielle de Kinshasa, au Zaïre.

5. La Guerre des Grands Lacs : Un Nouveau Conflit qui Plonge le Congo dans le Chaos

5.1. La Rébellion du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD)

  • En août 1998, une rébellion éclate dans l’est de la RDC, menée par d’anciens alliés de Kabila, avec le soutien du Rwanda et de l’Ouganda.
  • Le pays se fracture, avec des territoires contrôlés par des groupes rebelles et d’autres par le gouvernement de Kabila.
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Le dirigeant de la République démocratique du Congo, Laurent-Désiré Kabila, écoute l’hymne national au stade de Kinshasa, le 29 mai 1997, avant de prêter serment. En octobre 1996, le chef de l’opposition zaïroise, Laurent-Désiré Kabila, à la tête de la nouvelle Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre, rallia des forces composées principalement de Tutsis de l’est du Zaïre et lança une rébellion généralisée contre Mobutu, le forçant à fuir le pays après l’échec des pourparlers de paix en mai 1997.

5.2. Une Guerre Régionale Dévastatrice

  • La RDC devient le champ de bataille d’une guerre régionale impliquant neuf pays africains.
  • L’Angola, le Zimbabwe et la Namibie soutiennent Kabila, tandis que le Rwanda et l’Ouganda appuient les rebelles.
  • Les combats font des millions de morts, en grande majorité des civils, et le pays sombre dans le chaos.
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5.3. L’Isolement de Kabila et son Assassinat

  • En janvier 2001, Laurent-Désiré Kabila est assassiné par l’un de ses gardes du corps, dans des circonstances restées obscures.
  • Son fils, Joseph Kabila, lui succède à la présidence, héritant d’un pays en ruines.
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Le dirigeant de la République démocratique du Congo, Laurent-Désiré Kabila, écoute l’hymne national au stade de Kinshasa, le 29 mai 1997, avant de prêter serment. En octobre 1996, le chef de l’opposition zaïroise, Laurent-Désiré Kabila, à la tête de la nouvelle Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre, rallia des forces composées principalement de Tutsis de l’est du Zaïre et lança une rébellion généralisée contre Mobutu, le forçant à fuir le pays après l’échec des pourparlers de paix en mai 1997.

Une Chute Éclatante, un Héritage de Violence

Le 17 mai 1997, la chute de Mobutu marque la fin d’une ère de dictature corrompue et répressive, mais elle n’apporte pas la paix. Le Congo, devenu République Démocratique du Congo, sombre rapidement dans une nouvelle guerre, où les anciennes divisions sont exacerbées. Laurent-Désiré Kabila, porté au pouvoir par la rébellion, se révèle incapable de stabiliser le pays. La promesse de changement se transforme en désillusion. Mobutu est parti, mais les pratiques de prédation et de violence continuent.

Paul Lamier Grandes Lignes

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