Lecture 05 min. Publié le 12 octobre 2025 à 09h36
Le candidat d’opposition de l’United Seychelles a remporté la présidentielle avec 52,7 % des voix, face au président sortant Wavel Ramkalawan. Son élection marque le retour au pouvoir de l’ancien parti historique, après cinq années de transition politique mouvementée.
Aux Seychelles, une nouvelle ère politique s’ouvre. Le médecin et chef de l’opposition Patrick Herminie a remporté dimanche 12 octobre la présidentielle avec 52,7 % des suffrages, selon les résultats officiels de la commission électorale. Il succède ainsi au président sortant, Wavel Ramkalawan, battu dès le premier tour.
Le retour du parti historique
Âgé de 63 ans, Patrick Herminie portait les couleurs de l’United Seychelles (US), ancien parti unique qui a dirigé l’archipel de 1977 à 2020 avant d’être balayé par la vague d’alternance. Cette victoire, conjuguée à la large victoire de l’US aux législatives de septembre, consacre un retour en force de la vieille formation socialiste dans un pays longtemps considéré comme un modèle de stabilité politique dans l’océan Indien.
« Ma victoire, c’est un mandat que le peuple a placé en moi. Je serai le président de tous les Seychellois », a déclaré Patrick Herminie devant des milliers de partisans rassemblés dans la capitale Victoria. Il s’est engagé à faire baisser le coût de la vie, relancer les services publics et restaurer la confiance dans les institutions.
Un président sortant battu mais digne
Le président sortant, Wavel Ramkalawan, a reconnu sa défaite avec élégance. « Je pars avec un héritage dont je suis fier. Je souhaite au président Herminie de maintenir ce niveau », a-t-il déclaré, saluant une transition pacifique.
Ancien prêtre anglican et figure de l’opposition pendant plus de vingt ans, Ramkalawan laisse un pays fragilisé par les crises économiques et le fléau du trafic de drogue, devenu un problème national.
Une campagne sous tension
Patrick Herminie, ancien président de l’Assemblée nationale et ex-directeur de l’agence antidrogue, avait lui-même été inculpé en 2023 pour “sorcellerie”, une accusation qu’il avait dénoncée comme politique avant d’être blanchi. Cette affaire, aussi improbable que révélatrice des tensions politiques locales, a paradoxalement renforcé son image d’homme persécuté par le pouvoir.
Sa victoire s’explique aussi par le mécontentement grandissant face à la politique du gouvernement sortant, notamment sur la question de la souveraineté. Le président Ramkalawan avait en effet autorisé la cession controversée de l’île d’Assomption à un investisseur qatari pour 70 ans, un projet d’hôtel de luxe perçu comme un abandon de souveraineté nationale.
Patrick Herminie a promis d’annuler cet accord, dénonçant « l’ingérence » d’entreprises étrangères dans les affaires nationales. « Les Seychelles ne sont pas à vendre », a-t-il lancé lors d’un meeting à Mahé.
En toile de fond, la question de la drogue et du développement
L’archipel, réputé pour ses plages paradisiaques, affronte depuis des années une crise silencieuse liée à la consommation d’héroïne. Selon l’Agence nationale de prévention de la drogue (APDAR), entre 5 000 et 6 000 Seychellois sur une population totale d’environ 120 000 habitants suivent un traitement de substitution. Un chiffre alarmant pour un pays aussi petit.
La promesse d’Herminie de renforcer la lutte contre la drogue et de réhabiliter les jeunes dépendants a trouvé un écho particulier dans une société fatiguée de la corruption et du désengagement de l’État.
Une démocratie encore jeune
Ancienne colonie française puis britannique, les Seychelles ont obtenu leur indépendance en 1976. Leur première élection multipartite n’a eu lieu qu’en 1993, après l’adoption d’une nouvelle Constitution.
Près de trois quarts des Seychellois vivent sur l’île principale de Mahé, où se concentre l’essentiel de la vie politique et économique du pays.
Avec Patrick Herminie, c’est une génération politique issue du système d’avant 2020 qui revient aux commandes, promettant de conjuguer stabilité et justice sociale. Mais son mandat s’annonce délicat : entre attentes populaires, pressions économiques et regard attentif des puissances régionales, la lune de miel risque d’être courte.
Paul Lamier Grandes Lignes (AFP)












