Depuis l’annonce de la mort du pape François, les regards du monde catholique se tournent vers le Vatican, où se prépare un conclave d’une portée historique. La question est sur toutes les lèvres : qui succédera à François ?
À ce stade, aucun favori ne s’impose. Le Collège des cardinaux, profondément renouvelé par François lui-même, reflète aujourd’hui une Église plus diversifiée, moins eurocentrée et plus connectée aux réalités des périphéries du monde. Dans ce contexte, plusieurs noms circulent. Portraits de ceux qui pourraient prendre les rênes de l’Église catholique.

1. Pietro Parolin – L’homme d’État du Vatican
Âge : 70 ans
Nationalité : Italienne
Poste actuel : Secrétaire d’État du Saint-Siège
Cardinal depuis 2014, Pietro Parolin est sans doute l’un des plus influents dans la hiérarchie vaticane. Diplomate chevronné, discret et habile, il connaît parfaitement les rouages du Saint-Siège. Proche collaborateur de François, il a piloté des dossiers complexes comme les négociations avec la Chine, les relations avec le Vietnam, ou encore les efforts diplomatiques pour la paix au Moyen-Orient.
Son style est modéré, consensuel, centré sur l’unité. Il incarne une forme de continuité pragmatique avec l’ère François, mais pourrait séduire les cardinaux en quête de stabilité administrative. Son profil international pourrait en faire un pape-pont entre les continents.

2. Matteo Zuppi – Le pasteur des périphéries
Âge : 69 ans
Nationalité : Italienne
Poste actuel : Archevêque de Bologne
Surnommé « Don Matteo », Matteo Zuppi est le visage pastoral et social de l’Église italienne. Ancien membre de la communauté Sant’Egidio, spécialisée dans le dialogue interreligieux et la résolution des conflits, il est un défenseur infatigable des migrants et des plus pauvres.
François l’a promu cardinal en 2019, puis envoyé comme émissaire pour l’Ukraine. Il prône une Église ouverte, humble, proche des exclus, et s’est montré favorable à une plus grande intégration des personnes LGBT dans la pastorale. Sa proximité idéologique avec François, combinée à une forte expérience sur le terrain, pourrait convaincre ceux qui souhaitent prolonger la dynamique bergoglienne.
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3. Luis Antonio Tagle – Le « François d’Asie »
Âge : 67 ans
Nationalité : Philippine
Poste actuel : Préfet adjoint du dicastère pour l’évangélisation
Charismatique, doux et engagé, le cardinal Luis Antonio Tagle incarne la dimension asiatique et populaire de l’Église. Très apprécié par François, ce théologien aux accents progressistes a souvent été considéré comme le « dauphin » naturel du pape argentin.
Tagle est particulièrement engagé dans les questions de justice sociale, de dialogue interreligieux et de défense des pauvres. Il pourrait incarner une Église mondiale tournée vers les Suds, même si certains estiment que son image médiatique pourrait jouer contre lui au moment du vote.

4. Fridolin Ambongo – La voix de l’Afrique
Âge : 65 ans
Nationalité : Congolaise
Poste actuel : Archevêque de Kinshasa
Premier cardinal africain cité parmi les papabili, Fridolin Ambongo est un proche de François, membre du Conseil des cardinaux. Archevêque de Kinshasa, il est l’une des figures les plus en vue de l’Église africaine, qui compte aujourd’hui le plus grand nombre de vocations dans le monde catholique.
S’il partage l’option préférentielle pour les pauvres de François, il s’est néanmoins opposé à certaines de ses positions progressistes, notamment la bénédiction des couples homosexuels. Ambongo représenterait un tournant historique, mais pourrait aussi cristalliser les divisions entre courants conservateurs et réformateurs.

5. Pierbattista Pizzaballa – L’homme de Jérusalem
Âge : 60 ans
Nationalité : Italienne
Poste actuel : Patriarche latin de Jérusalem
Peu connu du grand public mais respecté dans les cercles diplomatiques, Pierbattista Pizzaballa a occupé des postes sensibles au Moyen-Orient, notamment à Jérusalem. Sa connaissance des terrains de guerre, des relations judéo-musulmanes et des minorités chrétiennes en terres d’Islam le place en bonne position pour diriger une Église confrontée à une recomposition géopolitique mondiale.
Il évite les polémiques doctrinales, et son profil international pourrait plaire à ceux qui veulent sortir des querelles romaines. Mais son âge pourrait jouer en sa défaveur.

6. Peter Erdo – Le conservateur diplomate
Âge : 72 ans
Nationalité : Hongroise
Poste actuel : Archevêque d’Esztergom-Budapest
Figure de l’aile conservatrice, Peter Erdo défend les valeurs traditionnelles sur la famille, le mariage et l’autorité doctrinale. Il a critiqué l’élargissement de la communion aux divorcés-remariés et s’est montré sceptique quant à l’ouverture pastorale envers les migrants.
Néanmoins, son profil de juriste canonique et de diplomate européen expérimenté pourrait séduire les cardinaux qui souhaiteraient rééquilibrer l’Église après le long pontificat de François.

7. Jean-Marc Aveline – L’intellectuel méditerranéen
Âge : 66 ans
Nationalité : Française
Poste actuel : Archevêque de Marseille, président de la Conférence des évêques de France
Nommé cardinal par François en 2022, Jean-Marc Aveline s’est illustré par sa proximité avec le pape, son engagement dans le dialogue interreligieux et son profil d’intellectuel discret. Issu d’un milieu modeste, il incarne une Église enracinée dans la réalité sociale, ouverte aux marges, mais mesurée dans ses réformes.
Son influence a grandi depuis la visite du pape à Marseille en 2023. S’il parle peu l’italien – un handicap potentiel –, sa stature internationale ne cesse de croître. Il pourrait représenter le visage modéré et rassembleur de l’après-François.

8. Anders Arborelius – L’outsider nordique
Âge : 75 ans
Nationalité : Suédoise
Poste actuel : Évêque de Stockholm
Converti au catholicisme à l’âge de 20 ans, Anders Arborelius est un moine carme devenu le premier cardinal de Suède. Figure symbolique d’une Église minoritaire dans une Europe sécularisée, il incarne une catholicité ouverte, paisible et attentive aux tensions du monde contemporain.
Il plaide pour une plus grande inclusion des femmes dans l’Église, se méfie des clivages idéologiques et se concentre sur la cohésion dans la foi. Peu exposé, mais très respecté, son profil discret pourrait émerger comme compromis inattendu en cas de blocage entre factions.
Un conclave très ouvert
Aucun nom ne se dégage encore comme une évidence. Le profil du prochain pape dépendra en grande partie de l’orientation que les cardinaux voudront donner à l’Église post-François : continuité réformatrice ou retour à une ligne plus conservatrice ? Ou encore, ouverture vers les Églises du Sud ou recentrage européen ?
Une chose est certaine : l’héritage de François – inclusif, global, pastoral – pèsera lourd dans les discussions. Le conclave à venir s’annonce comme l’un des plus imprévisibles du XXIe siècle.
Paul Lamier, Grandes Lignes