Plus de 1 300 personnes ont trouvé la mort dans de violents affrontements entre les forces gouvernementales et des groupes armés loyaux au régime d’Assad. Cette flambée de violence constitue un défi majeur pour les nouvelles autorités du pays.
La région côtière de la Syrie est le théâtre d’intenses affrontements entre les forces de sécurité gouvernementales et des combattants loyaux à l’ancien régime de Bachar al-Assad. Ces violences, parmi les plus meurtrières depuis l’arrivée des nouvelles autorités en décembre, marquent une nouvelle escalade dans l’instabilité du pays.
Les combats ont causé la mort de plus de 1 300 personnes, dont de nombreux civils qui auraient été pris pour cible par les forces gouvernementales.
Les violences ont éclaté après qu’une embuscade tendue par des hommes armés pro-Assad contre les forces de sécurité gouvernementales a déclenché plusieurs jours d’affrontements intenses. Alors que les combats se prolongeaient, des manifestations ont gagné plusieurs villes, opposant partisans et opposants du régime.
Dans les provinces côtières, où les tensions étaient les plus vives, les autorités ont imposé des restrictions de déplacement, ordonnant aux habitants de rester chez eux. Pendant ce temps, les forces de sécurité tentaient de maîtriser la situation et de limiter l’extension des troubles.
Cette flambée de violence met à l’épreuve la capacité du nouveau gouvernement à imposer son autorité et à rassembler un pays encore profondément divisé. Plus de 13 ans de guerre civile ont exacerbé les fractures sectaires, un conflit qui a récemment connu une escalade avec l’offensive éclair du groupe rebelle Hayat Tahrir al-Sham.
Où ont lieu les affrontements ?

Les violences se concentrent dans les provinces côtières de Lattaquié et Tartous, sur les rives de la Méditerranée. Autrefois considérée comme un bastion du régime de Bachar al-Assad, cette région est historiquement dominée par la minorité alaouite, une branche du chiisme à laquelle appartient la famille Assad. Pendant plus de cinquante ans, cette communauté a occupé les plus hauts échelons du pouvoir et de l’armée syrienne.
Depuis l’arrivée au pouvoir des nouveaux dirigeants islamistes, une inquiétude croissante s’est installée parmi les Alaouites. De nombreuses voix s’élèvent en Syrie pour exiger des comptes sur les crimes commis sous le régime d’Assad. Le président par intérim, Ahmed al-Shara, a promis de poursuivre les anciens hauts responsables tout en assurant la stabilité et la protection des droits de l’ensemble des citoyens, quelle que soit leur confession.

Malgré ces engagements, les tensions restent vives. Ces derniers mois, la région alaouite a connu une recrudescence de violences, souvent liées aux tentatives des forces de sécurité d’arrêter d’anciens officiers du régime.
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), basé en Grande-Bretagne, la majorité des civils tués dans les récents affrontements appartiennent à la communauté alaouite.
Qui sont les loyalistes d’Assad qui prennent les armes ?
À ce stade, aucune force unifiée ne semble coordonner les attaques menées sur la côte ouest de la Syrie. Toutefois, les affrontements de jeudi marquent un tournant. Selon Charles Lister, directeur des programmes sur la Syrie et la lutte contre le terrorisme au Middle East Institute, il s’agit de la première manifestation claire d’une coordination et d’une planification préalable de la part des loyalistes pro-Assad.
Ce même jour, alors que les forces de sécurité étaient prises pour cible, un groupe se faisant appeler “Conseil militaire pour la libération de la Syrie” a publié une déclaration affirmant son intention de renverser les nouveaux dirigeants du pays. Ce communiqué, annonçant officiellement la création du groupe, était signé par un ancien général de la Quatrième division d’élite du régime Assad, une unité dirigée par Maher al-Assad, frère de l’ex-président.
Toutefois, selon l’Institut pour l’étude de la guerre, il reste incertain si Gaith Dalah, l’ancien général en question, est réellement à l’origine de ce conseil militaire ou si le groupe utilise simplement son nom comme figure de proue. Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique plus large, plusieurs factions armées pro-Assad ayant émergé depuis la chute du gouvernement.
Le chef des services de renseignement syriens, Anas Khattab, a réagi vendredi en accusant d’anciens responsables militaires du régime Assad d’être à l’origine des violences. Selon lui, ces actions bénéficieraient du soutien de « fugitifs » basés à l’étranger, sans préciser leur identité.
Comment le nouveau gouvernement syrien a-t-il réagi ?
Face à l’intensification des violences, le gouvernement a réagi avec fermeté en déployant des forces de sécurité dans la région côtière. L’objectif de ces interventions était de reprendre le contrôle de plusieurs localités passées sous l’emprise des loyalistes d’Assad. Cette riposte fait suite à des rapports d’observateurs de guerre faisant état de violences à caractère sectaire, attribuées à des combattants affiliés ou favorables à la nouvelle direction du pays.
Le président par intérim, Ahmed al-Shara, a appelé les partisans d’Assad à déposer les armes et a annoncé la création d’une commission d’enquête chargée d’analyser les événements sur la côte et de traduire les responsables en justice. Toutefois, il n’a pas précisé si cette enquête prendrait en compte d’éventuelles exactions commises par les forces gouvernementales ou si la responsabilité serait entièrement attribuée aux éléments de l’ancien régime.
« Tout le monde sait qui est responsable de ce désordre et de ces complots », a déclaré M. al-Shara, laissant entendre que le gouvernement considère ces troubles comme le fruit d’une conspiration des anciens dirigeants.
Un lourd bilan humain et des tensions persistantes
L’Observatoire syrien des droits de l’homme a annoncé dimanche que les affrontements avaient fait plus de 1 300 morts, dont près de 1 000 civils, en grande majorité tués par des combattants affiliés ou fidèles au nouveau gouvernement. Le lendemain, l’Observatoire a confirmé ces chiffres, tandis qu’un autre organisme de surveillance, le Réseau syrien des droits de l’homme, qui avait précédemment signalé l’exécution de 125 civils par les forces de sécurité gouvernementales, n’avait pas mis à jour son bilan.
Face aux accusations de violences et d’exactions, les responsables du nouveau gouvernement ont nié toute implication des forces de sécurité dans des atrocités. Cependant, ils ont affirmé leur engagement à mener des enquêtes et à poursuivre en justice toute personne reconnue coupable d’attaques contre des civils.
Les forces de sécurité gouvernementales ont renforcé leur présence dans la province de Tartous, multipliant les points de contrôle le long des principaux axes routiers. L’armée a lancé des attaques par drones, chars et artillerie contre des positions ennemies, tandis que d’autres unités menaient des opérations pour traquer les groupes armés affiliés à l’ancien régime.
Des habitants d’une ville de Tartous ont rapporté que des hommes armés, apparemment favorables au gouvernement, avaient envahi les quartiers alaouites. Après l’accalmie des combats, un témoin décrit une scène de désolation : des traces de sang sur les trottoirs, des magasins pillés et des corps sans vie éparpillés à quelques mètres de distance.