Face à la vague de tarifs douaniers imposés par Washington, le Canada riposte mais avec prudence. Depuis mercredi, un tarif de 25 % sur les véhicules américains importés est entré en vigueur, générant une nouvelle source de revenus estimée à 5,7 milliards de dollars US par an. Cette somme viendra alimenter un fonds d’aide destiné à soutenir les travailleurs et les entreprises canadiennes touchés par la politique commerciale agressive de Donald Trump.
Un fonds de compensation, mais des contours encore flous
Le gouvernement de Mark Carney a promis d’utiliser les recettes tirées de ces mesures de représailles pour amortir l’impact économique des surtaxes américaines. Toutefois, aucun plan détaillé n’a encore été communiqué quant à la manière dont les fonds seront alloués, ni à quels secteurs ils bénéficieront en priorité.
Au total, le Canada pourrait mobiliser jusqu’à 42 milliards de dollars canadiens par an en réponse aux droits de douane américains visant non seulement l’automobile, mais aussi l’aluminium, l’acier, et plusieurs produits hors cadre de l’accord de libre-échange nord-américain.
Des conséquences immédiates sur l’industrie automobile
Les effets sur le terrain ne se sont pas fait attendre. Le constructeur Stellantis a suspendu pendant deux semaines l’activité de son usine d’assemblage à Windsor, Ontario. Jusqu’à 12 000 travailleurs dans l’automobile et les pièces détachées au Canada comme aux États-Unis, ont été mis en chômage technique, selon l’Association des fabricants de pièces automobiles du Canada.
Des réponses provinciales, mais un contexte inédit
Face à l’ampleur des perturbations, les provinces canadiennes activent des mesures de soutien d’urgence. L’Ontario a réintroduit des reports de paiement de taxes, similaires à ceux utilisés pendant la pandémie, et restitué 2 milliards de dollars d’excédent issus des fonds d’assurance accidents du travail aux employeurs. En parallèle, 9 milliards de dollars supplémentaires devraient être conservés temporairement par les entreprises via des délais fiscaux.
Le Québec et le Nouveau-Brunswick proposent des prêts à faible coût pour aider les entreprises à s’adapter à un nouveau paradigme commercial où les États-Unis ne sont plus un partenaire fiable. Le Manitoba annonce des reports de paiement, et la Banque de développement du Canada met à disposition des prêts spéciaux ciblant les secteurs fragilisés.
Un choc durable, pas seulement conjoncturel
Mais ces mesures suffiront-elles ? Pour Rob Gillezeau, économiste à l’Université de Toronto, la crise actuelle n’est ni temporaire ni cyclique. « Il s’agit probablement d’un choc commercial structurel durable. Le retour à la normale n’est pas garanti, et les entreprises d’aujourd’hui pourraient ne pas survivre demain », explique-t-il.
Même l’assurance-emploi a été réajustée pour intégrer cette nouvelle réalité : des travailleurs confrontés non pas à une baisse temporaire d’activité, mais à une redéfinition complète des chaînes de valeur nord-américaines.
Une incertitude stratégique majeure
La situation actuelle place le Canada comme de nombreux autres pays face à un dilemme stratégique : comment défendre ses intérêts face à un partenaire majeur devenu imprévisible, tout en protégeant son tissu industriel ? La réponse d’Ottawa est encore en construction, mais elle révèle une certitude : les mesures commerciales de Donald Trump redessinent l’économie canadienne, bien au-delà du simple levier tarifaire.