Sous pression des marchés, la Maison Blanche suspend pour 90 jours les nouveaux droits de douane annoncés la semaine précédente.
En l’espace de quelques jours, la posture inébranlable de Donald Trump sur les droits de douane s’est fissurée. Ce revirement, opéré mercredi après-midi, illustre la tension extrême entre ambitions protectionnistes et réalité économique.
Initialement, le président américain affichait une confiance sans faille, même face à la déroute des marchés mondiaux déclenchée par l’annonce de tarifs massifs. « Soyez cool ! », lançait-il sur ses réseaux sociaux. « C’est le moment idéal pour acheter », assurait-il encore mercredi matin, alors que les indices boursiers plongeaient.
Mais derrière ce ton bravache, la machine exécutive s’inquiétait. Le bond rapide des rendements obligataires américains, indicateur d’une défiance des marchés vis-à-vis de la stabilité économique à venir, a forcé la Maison Blanche à revoir ses plans. Résultat : les tarifs “réciproques” sont suspendus pour 90 jours dans la majorité des cas, à l’exception notable de la Chine, sur laquelle les taxes passent désormais à 125 %.
Une volte-face improvisée
Interrogé sur ce changement de cap, Trump a évoqué une volonté d’« apaiser les esprits ». Mais en coulisses, les inquiétudes étaient bien plus concrètes. Plusieurs figures de son administration, dont le secrétaire au Trésor Scott Bessent et le vice-président J.D. Vance, redoutaient une crise financière majeure. Le président a finalement cédé après un vol retour à Washington, au cours duquel ses conseillers lui ont exposé les risques systémiques liés à la hausse des taux obligataires.
Cette volte-face a pris de court une grande partie de son entourage. Jamieson Greer, représentant au commerce, n’a été informé de la suspension qu’alors qu’il défendait encore les tarifs devant le Congrès. Et le discours officiel a dû être rapidement ajusté : les proches du président ont cherché à faire croire qu’il s’agissait là d’un plan stratégique longuement mûri, inspiré de l’ouvrage emblématique de Trump, L’Art de la négociation. 125 %.
Quand l’instinct l’emporte sur la stratégie
Malgré les efforts de communication, Donald Trump lui-même a contredit ses porte-parole, affirmant que sa décision résultait davantage d’un instinct que d’un calcul technique. « C’est plus une intuition qu’autre chose », a-t-il déclaré. Une déclaration qui soulignait une fois de plus le caractère imprévisible de sa gouvernance, même sur des dossiers aussi cruciaux que la politique commerciale mondiale.
Pour les marchés, la suspension des tarifs a été un soulagement immédiat. Les places financières ont rebondi dès l’annonce du gel. Mais cette instabilité a ravivé les soupçons d’interférences, certains analystes s’interrogeant sur le timing des déclarations du président, notamment lorsqu’il incitait publiquement à acheter des actions quelques heures avant leur remontée.
Une stratégie floue, des objectifs incertains
En dépit de ce recul tactique, la ligne directrice de la Maison Blanche reste opaque. Trump se veut défenseur d’une économie américaine débarrassée des importations massives, mais les contours de sa stratégie tarifaire varient selon les interlocuteurs et les circonstances.
L’équipe présidentielle a tenté d’enrayer la spirale négative en recentrant le message : il ne s’agirait plus d’une attaque tous azimuts contre les partenaires commerciaux, mais d’un plan ciblé contre la Chine, désignée comme le principal responsable du déficit commercial américain.
Pourtant, les économistes multiplient les alertes. En plus de faire grimper les prix à la consommation, les hausses tarifaires pourraient compromettre la croissance et précipiter les États-Unis dans une récession technique, avec un impact global bien supérieur aux bénéfices attendus d’un retour industriel.
Une mise en scène politique… à haut risque
Le recul partiel de Trump n’est pas un abandon. Les droits de douane universels de 10 % restent en vigueur, et l’administration continue de promettre des « négociations bilatérales sur mesure » avec les pays partenaires.
Mais ce revirement souligne une constante de l’ère Trump : la politique commerciale est autant un levier de communication qu’un outil économique. Si le président espère en tirer des bénéfices politiques en année électorale, les marchés, eux, restent sur le qui-vive.
Prochain rendez-vous : dans 90 jours. Avec une incertitude intacte, et des enjeux commerciaux devenus, une fois encore, une affaire d’intuition présidentielle.ndustriel.