L’Afrique du Sud, première puissance industrielle du continent, est à la croisée des chemins. Un récent rapport du réseau Net Zero Tracker alerte sur les conséquences dramatiques des futurs mécanismes d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) adoptés par les pays riches, qui pourraient menacer jusqu’à 500 000 emplois sud-africains. Ces mécanismes, mis en place pour taxer les importations à forte intensité carbone, mettent en lumière la dépendance critique du pays au charbon, qui représente encore 80 % de sa production d’électricité.
Le secteur des métaux de base et l’industrie automobile sont en première ligne. Le premier, largement tourné vers l’export, voit 80 % de ses produits dirigés vers des marchés engagés dans la neutralité carbone. Le second envoie 65 % de sa production vers des pays où les taxes carbone sont déjà actives ou en discussion. Même l’agriculture sud-africaine, déjà en compétition avec des producteurs à empreinte carbone plus faible, pourrait perdre du terrain à l’export.
Le paradoxe est là : si les CBAM constituent une menace sérieuse à court terme, ils pourraient aussi représenter une opportunité à long terme pour accélérer une transition énergétique indispensable. L’Afrique du Sud dispose d’atouts majeurs : une richesse en minerais stratégiques (platine, manganèse, chrome), un potentiel considérable en énergies renouvelables, ainsi qu’un cadre politique désormais structuré pour accompagner cette mutation, à travers le Climate Change Act 2024 et le Just Transition Framework.
Mais ce virage nécessite un soutien international massif. Les engagements du Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP), porté par l’UE, le Royaume-Uni et plusieurs pays européens, restent cruciaux. Ils promettent 8,5 milliards de dollars de financements, mais leur concrétisation reste incertaine. Sans appui extérieur conséquent, la transition pourrait s’opérer au prix d’un choc social majeur.
Dans cette équation complexe, l’Afrique du Sud est sommée de choisir entre adaptation rapide et isolement économique. Plus qu’une mise en garde, le rapport Net Zero Tracker sonne l’alarme sur la nécessité d’une transformation urgente et équitable, à l’heure où le monde rebat les cartes de la compétitivité climatique.