Lecture 07 min. Publié le 07 octobre 2025 à 23h45
Près de vingt ans après avoir tenté d’apporter la paix au Proche-Orient, Tony Blair refait surface. L’ancien Premier ministre britannique, aujourd’hui âgé de 72 ans, pourrait bientôt prendre la tête d’une autorité internationale de transition à Gaza, dans le cadre du plan Trump visant à mettre fin à la guerre.
Une mission à haut risque, entre diplomatie, business et politique, pour un homme qui n’a jamais renoncé à peser sur le cours de l’Histoire.
Le come-back d’un vieil habitué du Levant
On l’imaginait retiré des grandes négociations internationales. Mais Tony Blair n’en a pas fini avec le Moyen-Orient.
Selon plusieurs fuites relayées à Washington, l’ancien locataire du 10 Downing Street pourrait diriger une autorité intérimaire chargée d’administrer Gaza une fois les combats terminés.
Sa mission : reconstruire, organiser, et préparer la naissance d’un futur État palestinien autonome d’ici trois à cinq ans.
Le Britannique, à la tête de son Tony Blair Institute for Global Change (TBI), planche depuis des mois sur un plan de paix et de développement économique pour la bande côtière, en partenariat avec des experts du Boston Consulting Group et des investisseurs américano-israéliens.
L’idée : miser sur la reconstruction, les infrastructures et l’emploi pour stabiliser la région. Un projet baptisé par ses équipes la Riviera de Gaza.
Tony Blair a d’ailleurs rencontré Donald Trump à la Maison-Blanche fin août, en présence de Jared Kushner et de Steve Witkoff, les deux émissaires du président américain pour le Moyen-Orient. Selon ses proches, Blair a posé ses conditions : aucun déplacement de population ne sera accepté.
Le message est clair : pas question de gouverner sur les ruines d’un exode forcé.
L’homme aux carnets d’adresses dorés
Dans le labyrinthe moyen-oriental, Tony Blair connaît les couloirs par cœur. De 2007 à 2015, il avait été envoyé spécial du Quartet (ONU, États-Unis, Union européenne, Russie), chargé de relancer le processus de paix israélo-palestinien.
Il s’était alors installé à Jérusalem, en contact permanent avec les dirigeants de la région. Son travail de médiation s’était toutefois heurté à la politique intransigeante de Benyamin Netanyahou et à la défiance palestinienne, qui voyait en lui un diplomate trop proche d’Israël.
Mais malgré cet échec, Blair a conservé ce que beaucoup n’ont plus : un réseau solide dans le monde arabe. Des Émirats à Bahreïn, les puissances du Golfe qui financeront la reconstruction de Gaza lui font confiance.
« Il connaît les dirigeants, parle leur langage, et surtout, il sait vendre des compromis », glisse un ancien diplomate britannique.
Le fardeau de l’Irak et la quête de rédemption
Tony Blair reste l’un des dirigeants les plus marquants de la politique britannique moderne.
À la tête du New Labour entre 1997 et 2007, il a modernisé la gauche, revitalisé l’économie, instauré un salaire minimum et signé la paix en Irlande du Nord.
Mais son nom reste aussi lié à la guerre d’Irak, déclenchée aux côtés de George W. Bush en 2003, au nom d’armes de destruction massive qui n’existaient pas.
Ce choix l’a poursuivi comme une ombre.
En 2016, la commission d’enquête Chilcot a jugé l’intervention « injustifiée ». Blair avait reconnu une erreur, parlant d’« une décision prise de bonne foi », mais dont il endosse « toute la responsabilité ».
Depuis, il vit avec cette cicatrice politique tout en cherchant, peut-être, un moyen de la refermer.
Un empire intellectuel et politique
Après Downing Street, Blair s’est mué en conseiller global. Son Tony Blair Institute, fondé en 2016, emploie près de 900 experts dans une quarantaine de pays.
Un mélange de think tank et de cabinet de conseil politique, à la manière d’une McKinsey politique. Le TBI conseille plusieurs États africains, moyen-orientaux et asiatiques sur les réformes économiques, la santé ou la gouvernance.
Son institut est soutenu par de puissants mécènes, dont Larry Ellison, le fondateur d’Oracle, qui aurait déjà versé plus de 250 millions de livres sterling via sa fondation.
Cette proximité avec les grands milliardaires interroge, mais elle renforce aussi sa capacité à financer des projets d’envergure, comme la reconstruction de Gaza.
Trump et Blair : alliance paradoxale
Pour Tony Blair, s’associer à Donald Trump est un pari risqué.
Les deux hommes n’ont ni la même vision du monde, ni la même approche du pouvoir. Mais il existe entre eux un point commun : le goût du défi et du spectaculaire.
Blair, qui n’a plus d’ambition électorale, veut « agir avant qu’il ne soit trop tard ». Trump, lui, cherche un visage crédible pour donner une légitimité internationale à son plan pour Gaza.
« Il a conscience des risques, mais à son âge, il ne calcule plus », confie Denis MacShane, ancien ministre travailliste. « Il veut bouger les lignes, quitte à s’y brûler les doigts. »
Un pari entre diplomatie et rédemption
Dans les capitales arabes comme en Europe, l’hypothèse de voir Tony Blair à la tête d’une autorité de transition à Gaza provoque des réactions contrastées.
Certains y voient un choix pragmatique : un homme d’expérience, capable de parler à tout le monde.
D’autres redoutent le retour d’un dirigeant jugé trop lié à Washington et trop marqué par le passé irakien.
Mais Blair, lui, semble prêt à rejouer la partie.
« Si cela fonctionnait, il entrerait dans l’Histoire comme celui qui aura fait se serrer la main aux Israéliens et aux Palestiniens », note un proche.
Et si cela échouait, il n’aurait fait que prolonger son destin : celui d’un homme que la politique n’a jamais su quitter.












