Le 30 juin dernier, la junte guinéenne a franchi une étape décisive en dévoilant le projet de Constitution qui sera soumis à référendum le 21 septembre 2025. Derrière l’apparente promesse d’un retour à l’ordre constitutionnel, le texte soulève de vives inquiétudes : non seulement il ouvre la voie à une candidature du général Mamadi Doumbouya, mais il semble redessiné pour verrouiller l’arène politique autour de sa personne.
Lorsque Mamadi Doumbouya a renversé Alpha Condé en septembre 2021, il s’était engagé à ne pas se porter candidat à l’issue de la transition. Cette promesse, reprise dans la charte de la transition, a disparu du nouveau texte. Le projet constitutionnel ne contient aucune disposition empêchant les membres de la junte de se présenter à l’élection présidentielle. Pire encore, le mandat présidentiel passe de cinq à sept ans, renouvelable une fois une révision que le Conseil national de transition avait pourtant rejetée quelques mois plus tôt.
Derrière une justification budgétaire peu convaincante “économiser une élection”, selon le président du CNT se profile une stratégie claire : permettre au général Doumbouya de rester au pouvoir potentiellement jusqu’en 2040.
Une exclusion méthodique des opposants
Le projet prévoit l’exclusion de facto des principaux adversaires politiques. Tout candidat âgé de plus de 80 ans ou résidant hors du territoire guinéen est désormais inéligible. Alpha Condé, en exil, et Cellou Dalein Diallo, contraint de se réfugier en Côte d’Ivoire, sont visés. Parallèlement, le parti de Diallo, l’UFDG, fait l’objet de pressions administratives : son congrès, prévu le 6 juillet, a été interdit. À cela s’ajoute une exigence surréaliste : réintégrer Ousmane Gaoual Diallo, aujourd’hui porte-parole du gouvernement, pour obtenir l’autorisation de participer aux futures élections.
Cette logique d’exclusion s’étend à l’ensemble du champ politique : le contrôle de l’organisation des scrutins a été retiré à la commission électorale pour être confié à une direction dépendant du ministère de l’administration. Dans un tel contexte, difficile d’envisager un scrutin libre ou équitable.
Un vernis institutionnel
Pour masquer ce glissement autoritaire, le projet de Constitution affiche quelques avancées symboliques : création d’un Sénat, obligation de 30 % de représentation féminine dans les fonctions électives, Haute Cour de justice pour juger les dirigeants. Mais ces mesures peinent à convaincre tant la pratique du pouvoir reste marquée par la répression.
Les médias indépendants sont en sursis, plusieurs personnalités critiques ont été enlevées ces derniers mois parfois portées disparues et l’espace civique est verrouillé. Foniké Menguè et Billo Bah, deux figures de la société civile, restent introuvables depuis leur disparition en 2023.
Une transition confisquée
Ce projet de Constitution semble conçu non pas pour baliser une transition démocratique, mais pour légitimer un maintien au pouvoir par les urnes. La junte, forte du soutien d’une partie de l’opinion publique et d’un appareil d’État réorganisé, cherche désormais à transformer un pouvoir de fait en pouvoir de droit.
Si le “oui” l’emporte en septembre, Mamadi Doumbouya pourrait entériner une présidence de long terme sans véritable concurrence. La Guinée entrerait alors dans une nouvelle ère : celle d’un autoritarisme électoral légitimé par une Constitution taillée sur mesure.
Paul Lamier Grandes Lignes












