Aux États-Unis, les premières conséquences concrètes du virage administratif impulsé par l’administration Trump commencent à se faire sentir. Dans la foulée des décisions rendues récemment par la Cour suprême, qui a ouvert la voie à une remise en cause partielle des pouvoirs des agences fédérales, des coupes dans les effectifs de la fonction publique sont désormais engagées. Et si certains ajustements atténuent l’ampleur initiale des licenciements, l’inquiétude reste vive dans les rangs des fonctionnaires.
Le ministère des Anciens Combattants, l’un des plus importants de l’administration américaine, a annoncé la suppression de 30 000 postes au sein de ses services médicaux. Ce chiffre, bien qu’inférieur aux 80 000 suppressions initialement envisagées soit près de 16 % des effectifs, représente tout de même une réduction significative, qui touchera à la fois les personnels soignants, techniques et administratifs. Il s’agit d’un premier test grandeur nature pour la stratégie de réduction de l’État fédéral voulue par l’administration Trump.
Une mobilisation juridique en réponse
La décision du ministère intervient dans un climat de grande incertitude. D’autres agences pourraient suivre le même chemin dans les semaines à venir, avec des plans de restructuration plus ou moins profonds. Face à cette perspective, les organisations de défense des fonctionnaires et les ONG progressistes multiplient les recours judiciaires.
« Nous allons poursuivre agressivement toutes les options légales », a déclaré Skye Perryman, présidente de Democracy Forward, une organisation spécialisée dans les contentieux contre l’exécutif. Pour ces groupes, l’enjeu dépasse la question de l’emploi : il s’agit de défendre la capacité des agences fédérales à remplir leurs missions constitutionnelles dans des domaines aussi variés que la santé, l’environnement, la sécurité ou la science.
Plusieurs actions en justice ont déjà été déposées dans différents États pour tenter de bloquer ou de retarder les licenciements, au nom du respect des procédures administratives et des droits des agents fédéraux.
Une restructuration à haut risque
Pour l’administration Trump, ces mesures s’inscrivent dans une volonté de « rationalisation » et de « recentrage » de l’État fédéral. Le grand projet de loi budgétaire voté en juillet, surnommé le One Big Beautiful Act, fixe le cap : réduction drastique du périmètre de l’administration, transfert de compétences vers les États, et affaiblissement de ce que les partisans de Trump dénoncent comme la « bureaucratie de l’État profond ».
Mais cette orientation n’est pas sans risque. La suppression de postes dans des secteurs sensibles comme les soins aux anciens combattants, l’inspection sanitaire ou la régulation environnementale pourrait se traduire par une détérioration de la qualité des services publics. Dans certaines régions rurales ou défavorisées, l’État fédéral reste un employeur clé et un acteur essentiel dans l’accès aux soins ou à la sécurité sociale.
Une fracture politique amplifiée
Ces restructurations interviennent également dans un climat de polarisation politique croissante. Alors que la campagne présidentielle s’intensifie, la question de l’administration publique devient un enjeu central du débat. Pour Donald Trump, il s’agit de démontrer qu’il tient ses promesses de campagne en réduisant le poids de l’État. Pour ses opposants, ces mesures traduisent une volonté d’affaiblir les contre-pouvoirs et de gouverner par le choc.
La bataille autour de la fonction publique pourrait ainsi devenir un révélateur des tensions plus profondes qui traversent la démocratie américaine. Et dans les semaines à venir, d’autres agences comme l’Agence de protection de l’environnement (EPA), la Food and Drug Administration (FDA) ou les services sociaux pourraient à leur tour être visées par des réductions d’effectifs.
En attendant, les fonctionnaires fédéraux se préparent à vivre une période d’instabilité et de mobilisation, entre recours juridiques, mobilisation syndicale et arbitrages budgétaires. La promesse d’un « État allégé » pourrait bien devenir le prochain champ de bataille politique aux États-Unis.
Paul Lamier Grandes Lignes