11 Août 2025, lun

Trump et la Syrie : un pari risqué sur la normalisation

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Alors que son deuxième mandat entre dans une phase de redéfinition diplomatique, Donald Trump a surpris le monde en rencontrant le président syrien Sharaa, marquant la première rencontre de ce type entre un dirigeant américain et un chef syrien en 25 ans. Ce geste, qui s’inscrit dans un contexte de levée des sanctions américaines contre Damas, pourrait redessiner les équilibres géopolitiques du Moyen-Orient. Mais cette décision controversée suscite déjà des interrogations et des inquiétudes.

Le contexte d’un rapprochement inédit

Jusqu’à récemment, la Syrie de Sharaa, héritière du mouvement islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS), était classée comme une organisation terroriste par Washington en raison de ses liens avec Al-Qaïda. Sharaa, un ancien commandant d’Al-Qaïda, était même recherché par les États-Unis et l’Irak pour terrorisme. Pourtant, après avoir renoncé officiellement à ses liens avec Al-Qaïda en 2016, il a progressivement pris le contrôle de la Syrie, renversant le régime de Bachar al-Assad avec le soutien de l’Arabie saoudite et de la Turquie.

La rencontre entre Trump et Sharaa s’est déroulée dans le cadre de la tournée de Trump au Moyen-Orient, avec une première étape en Arabie saoudite, où il a été encouragé par le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le président turc Recep Tayyip Erdogan à assouplir les sanctions contre la Syrie. Ce soutien régional a facilité l’accord de Trump, qui a souligné que l’éviction d’Assad, un proche allié de l’Iran, ouvrait la voie à une normalisation des relations entre Washington et Damas.

Une réhabilitation controversée

La décision de Trump de rencontrer Sharaa et de lever les sanctions américaines a été accueillie par des scènes de liesse à Damas, où des tirs de célébration ont marqué l’annonce de l’événement. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Asaad al-Shaibani, a qualifié cette évolution de « tournant décisif » pour la Syrie, qui aspire désormais à la stabilité et à la reconstruction après 14 ans de guerre civile.

Sharaa, qui dirige un gouvernement dominé par HTS, a promis des concessions économiques aux États-Unis, notamment un accès aux ressources naturelles syriennes dans le cadre d’un accord minier. Une perspective qui pourrait attirer les entreprises américaines, mais qui soulève également des préoccupations de sécurité, notamment pour Israël, traditionnel allié des États-Unis dans la région. Israël, qui a mené plusieurs frappes aériennes contre des positions syriennes avant et après la chute d’Assad, voit d’un mauvais œil le rapprochement entre Washington et un régime qu’il considère encore comme hostile.

Des répercussions régionales immédiates

La levée des sanctions par les États-Unis, après des gestes similaires du Royaume-Uni et de l’Union européenne, pourrait ouvrir la voie à une normalisation plus large des relations entre la Syrie et la communauté internationale. Les discussions entre le secrétaire d’État américain Marco Rubio et le ministre syrien des Affaires étrangères en Turquie devraient permettre de préciser les contours de ce nouveau partenariat.

Le soutien économique promis par le Qatar, où Trump se rendra prochainement, pourrait également renforcer Sharaa, qui cherche à consolider son contrôle sur une Syrie divisée. Une situation qui fait craindre une nouvelle bipolarisation de la région, avec d’un côté les partisans de la normalisation avec la Syrie et de l’autre, ceux qui restent méfiants envers Damas.

Un pari risqué pour Trump

La décision de Trump de normaliser les relations avec Damas repose sur un pari : que Sharaa, malgré ses antécédents, parvienne à stabiliser la Syrie et à en faire un partenaire régional fiable. Mais ce choix pourrait aussi fragiliser les relations de Washington avec ses alliés traditionnels comme Israël, qui craint que la normalisation ne renforce la présence de groupes hostiles à ses frontières.

En outre, ce rapprochement avec Damas intervient dans un contexte de tensions régionales exacerbées, notamment avec l’Iran, dont l’influence sur la Syrie reste forte. En optant pour une politique de dialogue avec Sharaa, Trump s’éloigne de la ligne dure adoptée par ses prédécesseurs et prend le risque de provoquer une réaction en chaîne.

Un pari personnel pour Trump

Enfin, cette initiative s’inscrit dans la stratégie diplomatique personnelle de Trump, qui cherche à laisser une empreinte durable sur la scène internationale. Après son rapprochement controversé avec la Corée du Nord, le président américain veut se poser en artisan de paix, prêt à dialoguer même avec les ennemis d’hier. Mais dans le cas de la Syrie, les implications de cette ouverture sont bien plus complexes, tant sur le plan régional qu’international.

Les réactions à la rencontre Trump-Sharaa : entre scepticisme et espoir

  • À Washington, les démocrates critiquent cette décision, la qualifiant de trahison envers les valeurs américaines et d’encouragement aux régimes autoritaires. Certains républicains partagent ce scepticisme, accusant Trump de légitimer un dirigeant terroriste.
  • À Jérusalem, le gouvernement israélien a exprimé sa profonde inquiétude, craignant que ce rapprochement ne renforce les groupes hostiles à ses frontières, en particulier le Hezbollah et d’autres milices pro-iraniennes.
  • À Damas, la population a accueilli la nouvelle par des célébrations, voyant dans cette rencontre le signe d’une normalisation imminente qui pourrait favoriser la reconstruction du pays.
  • À Riyad et à Ankara, les dirigeants saoudiens et turcs ont salué cette avancée, y voyant la confirmation de leur influence sur la politique américaine au Moyen-Orient.

Une nouvelle page pour la Syrie ?

Reste à savoir si la normalisation des relations entre Washington et Damas se traduira par une véritable stabilisation de la Syrie, ou si elle ne fera qu’accentuer les fractures existantes. Pour Trump, ce pari pourrait se transformer en succès diplomatique ou en nouvelle source de controverses.

Paul Lamier Grandes Liges

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