L’administration Trump a décidé de suspendre un programme de 258 millions de dollars dédié à la recherche d’un vaccin contre le VIH, mettant à l’arrêt deux des projets les plus avancés menés par les équipes de Scripps et de l’Université Duke. Cette décision s’ajoute à une série de coupes dans les dispositifs de prévention et de traitement du VIH, aux États-Unis comme à l’international.
Un programme de 258 millions arrêté sans transition
Vendredi, les responsables du NIH (National Institutes of Health) ont officiellement notifié les deux centres de recherche partenaires que leur programme ne serait pas reconduit. Démarrée en 2019, cette initiative visait à développer un vaccin basé sur la réponse immunitaire du corps humain notamment les anticorps dits “neutralisants largement”, capables de bloquer plusieurs souches du VIH.
Selon les déclarations internes, « les consortiums pour le développement d’un vaccin contre le VIH n’ont pas été retenus par la direction du NIH pour poursuivre ». Aucune indication n’a été donnée sur les alternatives envisagées.
Une rupture dans un long effort scientifique
Les deux équipes concernées l’Institut Scripps et l’Université Duke collaboraient avec des dizaines de partenaires internationaux. Leur travail allait au-delà du VIH, avec des applications potentielles dans la lutte contre le Covid-19, les maladies auto-immunes ou encore les venins. En coupant le financement, c’est aussi tout un écosystème d’innovation biomédicale qui est ralenti.
« C’est une décision à courte vue », déplore Dennis Burton, immunologiste et responsable du programme à Scripps. John Moore, de Weill Cornell, va plus loin : « La pandémie de VIH ne prendra jamais fin sans vaccin. Couper la recherche, c’est condamner à mort. »
Des coupes en cascade dans la prévention
Le programme vaccinal n’est pas un cas isolé. L’administration Trump a également suspendu des fonds fédéraux destinés aux États pour la prévention du VIH, affectant les personnels locaux. En Caroline du Nord, 10 employés ont déjà été licenciés. Au Texas, les activités ont été « suspendues jusqu’à nouvel ordre ».
En janvier, le célèbre programme Pepfar qui finance à hauteur de 7,5 milliards de dollars le traitement du VIH dans les pays du Sud a vu son décaissement suspendu. Même après la reprise partielle de l’envoi des traitements, les fonds destinés à la prévention n’ont pas été restaurés.
Une approche jugée incohérente par les experts
Dans les années 2010, les États-Unis avaient adopté une approche ambitieuse pour éradiquer le VIH. Mais le revirement de la deuxième administration Trump étonne. Le NIH a suspendu plusieurs projets liés à la PrEP, traitement préventif dont l’efficacité est pourtant reconnue.
La fermeture de la division de prévention du VIH au sein des CDC (Centers for Disease Control) confirme cette nouvelle orientation. Certaines missions seraient transférées à une entité non encore fonctionnelle, baptisée Healthy America. Aucun calendrier n’a été fourni.
Un pipeline scientifique asséché
Selon Mitchell Warren, directeur exécutif d’AVAC, « tout le champ dépendait de ces deux programmes ». Et d’ajouter : « Mettre fin à cette recherche aujourd’hui, c’est s’assurer qu’il n’y aura plus de nouveaux candidats dans les essais cliniques dans trois ou quatre ans. Le pipeline vient de se boucher. »
Les essais cliniques déjà en cours pourront encore se poursuivre à condition que le réseau d’essais vaccins VIH du NIH soit maintenu. Mais l’arrêt brutal du soutien au développement amont limite sévèrement les perspectives.
En réduisant l’effort de recherche et en affaiblissant les dispositifs de prévention, l’administration américaine prend le risque de compromettre des décennies de lutte contre l’épidémie. En 2023, l’OMS enregistrait encore 1,3 million de nouveaux cas de VIH, dont 120 000 enfants.
« L’abandon du vaccin contre le VIH ne se mesure pas seulement en budget ou en publications annulées, mais en vies perdues », conclut John Moore.
Paul Lamier Grandes Lignes