Donald Trump et Benyamin Netanyahou n’ont pas seulement partagé une proximité idéologique : ils ont, chacun à leur manière, redessiné les lignes de la gouvernance conservatrice dans leurs pays respectifs, en s’appuyant sur des stratégies similaires pour répondre aux tensions internes et aux enjeux extérieurs.

Dès ses débuts, Netanyahou a entretenu une affinité manifeste avec l’univers politique républicain. À la veille de l’entrée en fonction de Barack Obama en 2009, il avait confié à un diplomate israélien son besoin de mieux comprendre les codes des démocrates : « Je parle républicain, vous démocrate », avait-il lancé à Alon Pinkas. Une anecdote révélatrice de l’orientation idéologique d’un dirigeant qui s’est toujours perçu comme un néoconservateur assumé.

Cette proximité s’est matérialisée de façon éclatante sous la présidence Trump. Alors que l’administration Biden a tenté d’encadrer certaines opérations militaires israéliennes ou de s’opposer à la réforme du système judiciaire portée par Netanyahou, la Maison Blanche sous Trump s’est gardée d’émettre la moindre réserve. Pour Natan Sachs, expert à la Brookings Institution, cette posture a marqué une rupture nette : « Les préoccupations exprimées auparavant sur les pertes civiles ou l’aide humanitaire ont disparu du discours américain. »

Leur rencontre récente devait aborder plusieurs dossiers sensibles : droits de douane, conflit à Gaza, relations avec la Turquie, menace iranienne, ou encore enjeux judiciaires. Si le soutien à Israël est une constante de la diplomatie américaine, Trump l’a poussé à un niveau inédit, notamment en transférant l’ambassade des États-Unis à Jérusalem ou en soutenant les revendications territoriales israéliennes en Cisjordanie.
Mais au-delà des postures diplomatiques, c’est un style politique commun qui unit les deux dirigeants. Tous deux ont ciblé leurs systèmes judiciaires respectifs, accusés de faire obstacle à la volonté populaire. Netanyahou a dénoncé un « État profond de gauche » qui tenterait, selon lui, d’entraver l’action des gouvernements conservateurs. Trump, de son côté, a critiqué frontalement les juges opposés à ses mesures migratoires, allant jusqu’à appeler à la destitution de certains d’entre eux.
Leur entente va jusqu’à l’usage du langage et de la stratégie. Lorsqu’Israël a consulté la Maison Blanche sur des frappes à Gaza, la réponse de l’équipe Trump a été sans ambiguïté : « L’enfer va se déchaîner », a affirmé sa porte-parole. Plus de 400 victimes, dont de nombreux civils, ont été recensées selon les autorités de Gaza. Le cessez-le-feu, entamé en janvier, a été rompu sans préavis.
L’entourage de Trump s’est également impliqué dans les négociations sur les otages : son émissaire, Steven Witkoff, a mené les discussions. Le message adressé au Hamas par ce dernier est resté dans la tonalité martiale du président américain : libérer les otages immédiatement ou « en payer le prix ».
Sur le front intérieur, Trump et Netanyahou ont su mobiliser leur base électorale contre les institutions perçues comme hostiles. Le soutien du Premier ministre israélien à Trump reste intact, malgré les tensions apparues après la reconnaissance de la victoire de Joe Biden en 2020. En retour, Trump jouit d’une popularité solide auprès de l’électorat israélien de droite.
Les convergences ne s’arrêtent pas là. Trump est allé jusqu’à suggérer, dans un moment de provocation, le transfert massif de la population palestinienne de Gaza. Une idée aussitôt condamnée par la communauté internationale, mais accueillie avec bienveillance dans les cercles les plus nationalistes d’Israël. Netanyahou, présent lors de ces déclarations, a gardé le silence, se contentant de saluer la lucidité supposée de son interlocuteur.
Ce tandem atypique incarne une forme de gouvernance fondée sur le défi permanent aux normes établies, une défiance envers les institutions, et une approche binaire des rapports de force, tant sur la scène intérieure qu’internationale. Pour Israël, cette proximité avec Trump pourrait se révéler stratégique alors que le conflit avec le Hamas reste sans issue durable. Mais elle engage aussi la responsabilité américaine dans un conflit où toute inflexion de la diplomatie peut avoir des répercussions immédiates.