L’attaque coordonnée sur plusieurs bases aériennes russes, présentée comme un succès stratégique par Kiev, révèle une capacité opérationnelle impressionnante. Mais ses effets sur le terrain restent marginaux.
Une frappe préparée depuis 18 mois, jusqu’à 5 000 km de profondeur
Dimanche, l’Ukraine a lancé une opération inédite sur le territoire russe, baptisée « Toile d’araignée ». Des drones ont ciblé quatre aérodromes militaires situés jusqu’à 4 300 kilomètres en profondeur, une manœuvre coordonnée, pensée depuis un an et demi selon les services de sécurité ukrainiens. L’objectif : atteindre des avions utilisés pour bombarder les villes ukrainiennes.
Si Kiev affirme avoir touché 41 appareils, les sources ouvertes confirment pour l’instant la destruction de dix bombardiers stratégiques (six Tu-95 et quatre Tu-22M) et l’endommagement de deux autres. Des chiffres partiels mais déjà significatifs pour une flotte qui n’est plus produite et dont chaque appareil est difficilement remplaçable à court terme.
Un impact psychologique fort, un coût stratégique assumé
Ces avions, capables de frapper loin en territoire ukrainien, sont une composante précieuse de l’arsenal russe. Leur neutralisation affaiblit temporairement la capacité de Moscou à cibler des infrastructures critiques. Mais au-delà du facteur militaire, c’est sur le plan politique et médiatique que l’opération semble viser juste.
« C’est une opération spectaculaire, impressionnante de planification », analyse Benoist Bihan. Une action qui « offre un récit de victoire » nécessaire à l’opinion publique ukrainienne comme aux alliés occidentaux. Elle intervient alors que Moscou et Kiev participent à un nouveau cycle de négociations à Istanbul et sert donc aussi de message diplomatique.
Lignes de front inchangées, mais alerte à Moscou
D’un point de vue strictement militaire, les effets restent limités. Ces bombardiers ne sont pas directement engagés dans les combats actuels, notamment dans la région de Donetsk, et leur perte ne devrait pas modifier le rapport de forces tactique, selon l’Institut pour l’étude de la guerre (ISW).
En revanche, cette incursion montre les failles dans la défense aérienne russe. L’entrée de drones à 5 000 km à l’intérieur du pays soulève des questions sur l’efficacité du renseignement et la sécurité des infrastructures militaires. À Moscou, le FSB et les autorités devront revoir leur copie.
Un coût opérationnel maîtrisé pour un gain d’image maximal
L’opération, bien que complexe et longue à préparer, s’est avérée peu coûteuse : peu de munitions, aucune perte humaine rapportée, et un budget limité. « Plutôt rentable », juge Stéphane Audrand, qui voit dans ce raid un bon rapport coût/bénéfice.